Polar blond à Barcelone

Jordi Lafebre est un auteur épatant. Espagnol et épatant. On avait déjà apprécié l'élégance et la finesse de son trait lorsqu'il illustrait les scénarios de Zidrou, le bouleversant «Lydie» ou la rafraichissante série «Les beaux étés». En 2020, il nous montrait qu'il mettait tout autant d'élégance et de finesse pour raconter ses propres histoires, avec le renversant «Malgré tout».

Il confirme son statut d'auteur complet avec ce «Je suis leur silence» d'un tout autre genre. Il s'agit ici d'un polar à Barcelone d'une malicieuse intelligence. L'enquêteur n'est pas un flic, ni un homme. Il s'agit d'Eva Rojas, jeune, blonde et jolie psy, farouchement indépendante, mais pas prude pour autant.

L'une de ses patientes lui demande d'être présente à la lecture du testament de sa grand-mère, aïeule d'une famille de riches vignerons. Elle s'y rend et, évidemment, il y aura meurtre, un crime dont Eva sera même la principale suspecte.

Il y a un mélange d'Agatha Christie et d'Almodóvar dans cette intrigue bien ficelée. Mais Lafebre a l'art d'ajouter un ingrédient magique qui relève la sauce. Eva n'est pas seule dans sa tête, trois femmes de sa famille au caractère bien trempé, mais décédées, lui parlent. Et Eva est donc leur silence, d'où le titre de l'album.

Si Jordi a un graphisme immédiatement reconnaissable pour ses personnages, il a également l'art du dialogue et est très fort pour donner de vrais caractères à ses acteurs de papier. C'est l'une des très belles BD de l'année, donc allez faire un tour à Barcelone avec Eva.