SciencesLes fourmis se soignent aux antibiotiques
Des chercheurs de l'Université de Lausanne ont découvert qu'elles secrétaient un produit qui pourrait être utile aux humains.

Ouvrière Matabele nettoyant la plaie d'une consœur (marquée en vert) qui a eu une patte coupée.
Erik T. FrankLes fourmis Matabele (Megaponera analis) sont connues pour effectuer des raids spectaculaires pour attaquer des termites et s’en nourrir. Durant ces incursions, elles sont souvent blessées par les soldats de termites qui se défendent en employant leurs mandibules acérées. Parfois, ce sont plus d’un quart des fourmis qui vont avoir une ou plusieurs pattes coupées lors d’un raid de colonie de termites.
Mais ces ouvrières blessées sont secourues par des congénères qui les ramènent dans le nid et s’occupent d’elles. Les soins prodigués permettent de diminuer de plus de 90% le taux de mortalité des fourmis blessées.
Cocktail sécrété par une glande spéciale
Dans cette étude menée sous la direction de Laurent Keller, ex-professeur au sein du Département d’écologie et d’évolution de l’Université de Lausanne (UNIL), Erik Frank et ses collègues, ont montré que les ouvrières utilisent un cocktail d’antibiotiques pour soigner les blessées. Ces produits sont sécrétés par une glande spéciale (la glande métapleurale) qui n’existe que chez les fourmis. Elle contient plus de 100 protéines et composés organiques qui empêchent les bactéries de se développer sur la plaie et dans le corps des individus blessés.
Dans cette étude publiée ce 29 décembre dans «Nature Communications», les auteurs ont aussi montré que, chez les fourmis blessées, le profil d'hydrocarbures cuticulaires (qui constituent la signature chimique de chaque insecte) différait de celui des individus non-blessés. Ainsi, comme le relève Erik Frank, qui travaille désormais à l’Université de Würzburg, en Allemagne, «pour signaler qu’elles ont besoin d’aide, les fourmis blessées sont capables de modifier leur odeur corporelle».
Les mêmes agents pathogènes que dans les hôpitaux
Comme le note Laurent Keller, les résultats de cette étude ont des implications médicales qui sont potentiellement révolutionnaires, car «les bactéries qui se multiplient dans les fourmis blessées sont des Pseudomonas, des agents pathogènes opportunistes qui «colonisent» souvent, dans les hôpitaux, les poumons de patients affaiblis. Comme les résistances aux antibiotiques conventionnels sont de plus en plus fréquentes, la découverte de substances efficaces pour lutter contre ces pathogènes pourrait ainsi offrir de nouvelles possibilités thérapeutiques».