L'affaire Flükiger passe au cinéma

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JuraL'affaire Flükiger passe au cinéma

Un cinéaste revient sur l'énigme d'un soldat retrouvé mort en 1977, pulvérisé par une grenade. 

Vincent Donzé
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Vincent Donzé
L'adjudant officier Rudolf Flükiger a disparu lors d'une course d'orientation dans la nuit du 16 au 17 septembre 1977. Son corps a été découvert un mois plus tard sur sol français, à douze kilomètres à vol d'oiseau de la caserne de Bure (JU)

L'adjudant officier Rudolf Flükiger a disparu lors d'une course d'orientation dans la nuit du 16 au 17 septembre 1977. Son corps a été découvert un mois plus tard sur sol français, à douze kilomètres à vol d'oiseau de la caserne de Bure (JU)

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Survenue dans la nuit du 16 au 17 septembre 1977, à un an du vote du peuple suisse sur la création du canton du Jura, la mort mystérieuse du soldat bernois Rudolf Flükiger nourrit un film coproduit par SRF qui sera présenté ce jeudi aux Journées cinématographiques de Soleure: «Opération Silence - L'affaire Flükiger»,

Le corps de Rudolf Flükiger a été retrouvé déchiqueté par une grenade dans un bois de Grandvillars (F). L'instruction a conclu à un suicide à la grenade plutôt qu'au pistolet d'ordonnance, mais selon un camarade, l'aspirant était un compétiteur qui avait choisi de démarrer sa course d'orientation par les postes les plus éloignés pour ramener un maximum de points par l'itinéraire le plus difficile.

De la bande à Baader

Accident? Meurtre? La Fraction Armée rouge a-t-elle joué un rôle? À la même époque, le patron des patrons allemands Hanns-Martin Schleyer était retrouvé mort dans le coffre d'une voiture à Mulhouse (f) et des terroristes de la bande à Baader ont tiré sur des gardes-frontières à Fahy (JU).

Dans son documentaire, Werner Schweizer tente de cerner ce qui a causé la mort de l'aspirant officier de 21 ans, originaire de Jegenstorf (BE). Pendant l'affaire Flükiger, le cinéaste et viticulteur de Gléresse (BE) séjournait en Colombie, loin de la Question jurassienne.

La parole à des proches

Ce qui l'a mis sur cette affaire, c'est une rencontre avec l'écrivain Daniel de Roulet, auteur du livre «L'oiselier» consacré à cette énigme. Pour éclaircir ce mystère, Werner Schweizer donne la parole à des proches et à des témoins de l'époque.

«En tant que Bernois, je me suis heurté à un mur de silence dans le Jura», a-t-il confié au quotidien biennois «Le Journal du Jura». C'est un assistant jurassien qui lui a ouvert des portes chez des membres du groupe Bélier en écartant toute velléité de propagande probernoise.

Les trois soeur de Flükiger

Les trois soeurs de Rudolf Flükiger ont parlé au cinéaste, sans être filmées. Celle qui sert de fil rouge s'est rendue dans la forêt de Grandvillars, alors que la famille du militaire n'avait pas obtenu les coordonnées du lieu du décès, elle qui voulait y planter un arbre du souvenir.

Le cinéaste de Gléresse écarte la thèse du suicide: un ancien médecin de la caserne affirme que Rudolf Flükiger est mort deux heures au moins avant le souffle de l'explosion. La rigidité cadavérique explique selon lui pourquoi le haut de corps a été dispersé par l'explosion tandis que le bas est resté entier, comme l'a souligné «Le Quotidien Jurassien».

Un vrai self-service

Le médecin militaire évoque une charge explosive additionnelle et selon le propre père du réalisateur, officier à l'époque, «l'arsenal était un vrai self-service». Des grenades ont ainsi été volées lors d'un cours de répétition par un ancien capitaine surnommé Babar, aujourd'hui décédé. Ce trafiquant d'armes a été condamné en 1986 pour des cambriolages après avoir échappé deux ans plus tôt à Damvant (JU) à un attentat à la voiture piégée.

La conviction de Werner Schweizer, c'est que Rudolf Flükiger est tombé par malchance sur des trafiquants et que les explosifs de Babar, alias le Merle blanc, ont servi à l'éliminer.

Des stocks de Babar

Sur une bande-son qui lui est parvenue, un délinquant juge probable que la grenade à main qui a déchiqueté l’élève-officier cycliste Flükiger provenait des stocks de Babar. Selon un ressortissant français, trois trafiquants d'armes et de drogue auraient pris le soldat pour un douanier.

La thèse de la mauvaise rencontre avec des contrebandiers ou des trafiquants de drogue surpris par un homme en salopettes bleues, qui court, lampe de poche à la main et pistolet au côté, est aussi celle retenue par l'historienHervé de Weck, spécialiste des questions militaires. Le cadavre aurait été transporté en France pour brouiller les pistes. «Une grenade à main, volée dans un dépôt suisse, élimine des indices compromettants», a écrit cet historien.

Les constats d'Hervé de Weck

«Seule la partie inférieure du corps est retrouvée avec des éclats de grenade mais sans traces du métal du pistolet et du cuir du holster. La moitié de la plaque d'identité militaire se trouve à côté des restes. L’explosion peut-elle avoir cassé la plaquette? Le manche de la grenade est là mais on n’a pas retrouvé – c’est plus troublant – le pistolet, la boussole, la lampe de poche, le couvercle de la grenade et sa perle de mise à feu de la grenade. L’arme n’a pas été volatilisée par l’explosion, elle a bel et bien disparu, sous réserve d’un vol, voire d’une perte par l’aspirant. Elle a un numéro noté dans le livret de service de l'aspirant. Ce numéro ne semble pas avoir fait l'objet d'une publication, une mesure qui aurait pu ouvrir une nouvelle piste, celle d'un crime».

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