Une usine accélère pour approvisionner l’Ukraine en obus

Publié

NorvègeUne usine accélère pour approvisionner l’Ukraine en obus

À Raufoss, en Norvège, une fabrique met les bouchées doubles pour fabriquer des obus d’artillerie pour Kiev qui, pour l’instant, compte essentiellement sur l’aide américaine.

Selon des experts, la consommation ukrainienne sur le champ de bataille est d’environ 200’000 obus par mois.

Selon des experts, la consommation ukrainienne sur le champ de bataille est d’environ 200’000 obus par mois.

AFP

Incandescents, les blocs d’acier passent d’une machine à l’autre, manipulés par des bras articulés, jusqu’à prendre la forme voulue. Dans cette usine reculée de Norvège, on fait les 3x8 pour fabriquer les obus d’artillerie qui font défaut à l’Ukraine.

Les pays nordiques mettent les bouchées doubles pour participer à l’effort de guerre. L’offensive lancée, en février 2022, par la Russie sur le territoire ukrainien leur a brutalement rappelé qu’eux aussi partagent des frontières avec un État qui n’hésite pas à envahir ses voisins.

Contrôlé par les États norvégien et finlandais, Nammo est, avec l’Allemand Rheinmetall, le Français Nexter et le Britannique BAE Systems, l’un des principaux fabricants européens d’obus de 155 mm, dont l’armée ukrainienne est gourmande.

Processus relativement lent

À Raufoss, à une centaine de kilomètres au nord d’Oslo, le groupe produit désormais non-stop des corps d’obus, les cônes qui seront ensuite remplis d’explosifs ailleurs. «Tant qu’on a les bonnes machines et les bons opérateurs, il n’y a pas de limites aux spécifications qu’on peut satisfaire», explique l’ingénieur Sigbjørn Øverbøe.

«Il est absolument crucial d’augmenter la production européenne.»

Jonas Gahr Støre, Premier ministre norvégien

Avec ses différentes étapes, le processus est relativement lent. Trop pour tenir le rythme de consommation sur le champ de bataille ukrainien. Pour accélérer les cadences, la Norvège a annoncé, la semaine dernière, qu’elle consacrerait deux milliards de couronnes (170 millions de francs) supplémentaires au renforcement de ses capacités de production de munitions et de missiles.

«Il est absolument crucial d’augmenter la production européenne», a déclaré le Premier ministre Jonas Gahr Støre. «Pendant de nombreuses années, on a réduit la voilure de l’industrie européenne de l’armement. La guerre en Ukraine nous a rappelé qu’il fallait renverser la vapeur.»

Capacité quintuplée

La moitié de l’enveloppe ira à l’achat d’une nouvelle presse et de nouvelles machines-outils pour que Nammo puisse ouvrir une ligne supplémentaire de production d’obus. «Avec ça, on va quintupler notre capacité de production dans l’artillerie», a expliqué le directeur général du groupe, Morten Brandtzaeg. «On préfère ne pas préciser les volumes, car il y a des oreilles indiscrètes, mais, sous peu, on produira davantage.»

La Finlande et la Suède ont elles aussi mis la main au portefeuille pour doper l’activité des sites Nammo sur leur territoire. Les besoins sont énormes, tant pour fournir l’Ukraine que pour regarnir les stocks des armées occidentales. Selon des experts, la consommation ukrainienne sur le champ de bataille est d’environ 200’000 obus par mois.

Aide américaine incertaine

Si l’UE s’est donné pour objectif de fournir à l’Ukraine un million de munitions avant la fin mars, seuls 300’000 obus ont officiellement été livrés à ce jour. «Et l’aide américaine devient très incertaine...», glisse le consultant en risques internationaux Stéphane Audrand.

Outre des goulots d’étranglement sur les composants, la production de munitions peut se heurter à des difficultés insoupçonnées, comme l’accès à l’énergie. L’an dernier, Morten Brandtzaeg a sonné l’alarme: l’expansion prévue de l’usine de Raufoss nécessiterait un volume d’électricité déjà promis à un centre de données en construction au profit de l’application chinoise de vidéos TikTok.

Dans l’immédiat, les stocks américains…

Il faudra toutefois attendre encore un peu, environ deux ans, avant que l’argent investi à Raufoss ne se traduise par un surcroît de munitions sur le théâtre ukrainien. «C’est très important pour l’Ukraine de savoir qu’à l’avenir, elle aura un approvisionnement accru», dit un responsable norvégien sous couvert d’anonymat. «Mais d’ici là, il est clair que ce seront encore les stocks de munitions américains qui contribueront le plus à alimenter la machine.»

Ton opinion