Bande dessinéeLe mystérieux village qui se raconte des histoires
Après un album sur l’art brut, Pandolfo et Risbjerg nous embarquent à Sousbrouillard où, à la recherche de son passé, une jeune femme va faire d’étonnantes rencontres. Envoûtant!

La bande-annonce de «Sousbrouillard».
Éditions Dargaud/YouTubeEn perdant sa tante, Sara se retrouve sans famille, puisqu’elle ignore tout de son passé. Mais la mourante lui a remis un bracelet sur lequel figure le nom d’un village: Sousbrouillard. Sara n’a rien à perdre, elle part à la recherche de ses origines. Dans ce lieu pluvieux et qui semble hors du temps, elle va faire des rencontres. Car Sousbrouillard est plein de gens étonnants. Qui vont, l’un après l’autre, lui raconter leur vie, chacun ouvrant la porte à un autre récit. La lumière va se faire petit à petit, comme le soleil va chasser les nuages. Le lecteur, accroché à ce fil d’histoires, est sans cesse surpris, étonné, ravi par les surprises qui l’attendent. Une belle plongée dans l’imaginaire, signée par Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg.
Le couple nous avait déjà enchanté avec «Enferme-moi si tu peux», qui racontait la vie de plusieurs créateurs d’art brut, dont beaucoup sont exposés au musée du même nom à Lausanne. Lausanne, les deux auteurs y étaient à nouveau lors de BDFIL, où ils présentaient leur nouvel ouvrage qui venait de sortir. Ils nous en ont parlé avec enthousiasme.
Né d’un rêve
«Sousbrouillard est né par la fin car j’ai rêvé la dernière scène, nous explique Anne-Caroline Pandolfo. Scène qu’il ne faut pas décrire à vos lecteurs, cela casserait le suspense. Mais j’ai trouvé que c’était une belle idée et j’ai construit un récit pour parvenir jusqu’à cette conclusion. On commence donc avec Sara, qui arrive dans un environnement hostile où tout est à construire. Elle veut savoir quelque chose sur elle, mais elle va oublier sa propre quête en se plongeant dans le récit des autres. Mais c’est une manière d’avancer».
Le lecteur passe lui aussi d’une histoire de vie à l’autre, pris dans d’étonnants rebondissements et souvent fasciné par les yeux hypnotiques que dessine Risbjerg, comme il l’a fait dans ses albums précédents. «Oui, je les fais ainsi pour essayer de contrôler la vitesse de lecture. Le rythme, c’est très important. Au cinéma, le réalisateur peut le contrôler avec son montage. En BD, normalement, c’est le lecteur qui choisit son rythme de lecture. il peut s’arrêter, revenir en arrière. Avec les plans sur les yeux, j’essaie de le freiner, qu’il essaie de voir ce que pensent les personnages».
Le dessinateur sait jouer des codes de la BD. «Vous aviez vu que je ne dessine pas les trous dans les oreilles? Non? Voilà, c’est inutile de les faire avec ce style de dessin car le lecteur ne remarque pas leur absence. Il faut garder l’essentiel».
Tous les personnages ont de fortes personnalités, qui se retrouvent dans leur aspect. Mais dessiner l’héroïne a été plus difficile. «Oui, car elle est vide au début et se remplit au fur et à mesure, fait remarquer Risbjerg. C’était donc vraiment compliqué de la caractériser: je lui ai fait de grands yeux, des cheveux orange et un visage allongé pour qu’on la remarque tout de même».
Un puzzle brillant
Anne-Caroline Pandolfo a également souffert pour que toutes les pièces de son puzzle brillant se mettent en place. «La temporalité est difficile, avec de nombreux flash-back à différentes époques. Ill il fallait vérifier que tout soit cohérent pour que le récit fonctionne, pour que Sara lève le brouillard de Sousbrouillard. D’autant plus que l’histoire réaliste au début décolle vers l’ailleurs ensuite».
D’un village qui pourrait être celui qu’on visite dans un rêve, le récit nous emmène en effet ensuite à Paris, puis près du cercle polaire et même dans l’espace: «C’était marrant à dessiner, cela empêche la routine, tous ces lieux», savoure Risbjerg.
Ces deux auteurs sont fascinés par les histoires, comme on le voit dans cette BD et savent les raconte. Ils le confirment album après album. On attend déjà le prochain avec impatience, mais il faudra patienter un peu. «Nous avons envie d’accompagner «Sousbrouillard», d’en profiter encore un moment», se réjouit Pandolfo. Le lecteur peut en outre facilement le relire, il y découvrira de nouvelles choses à chaque fois.

«Sousbrouillard», par Pandolfo et Risbjerg, Éd. Dargaud, 200 pages