FootballSion mal barré: la «solidarité» romande existe-t-elle?
Avec Lausanne jeudi et Servette dimanche, le club valaisan se prépare à affronter deux clubs rivaux mais proches. De quoi imaginer une possible «entente» entre amis? Trois experts expliquent pourquoi ils n’y croient pas.


Ce dimanche, à l’occasion de l’ultime journée, le derby du Rhône pourrait être décisif pour le FC Sion. Mais il pourrait aussi l’être pour Servette. En ouverture du championnat le 25 juillet 2021, les visiteurs «grenat» s’étaient imposés 2-1 (on voit ici Zuffi à la lutte avec Stevanovic).
freshfocusEn Super League, il reste deux journées - disputées en l’espace de quatre jours - avant le dénouement. Le dernier véritable suspense de cette fin de saison concerne le nom du barragiste appelé à défier en match aller (26 mai) et retour (29 mai) le deuxième de Challenge League. Pour Servette, Grasshopper, Sion et Lucerne, encore tous impliqués, à titre divers, dans cette course au maintien, tout se jouera d’ici à dimanche.
Mais tout pourrait aussi être terminé, en partie ou totalement, ce jeudi soir déjà sur le coup de 22 h 25, suivant les différents verdicts de la 35e journée.
Ce qu’il leur reste à jouer
Sous la menace d’un retour du FC Lucerne, Sion s’apprête à disputer deux derbies, contre respectivement Lausanne et Servette dont l’issue pourrait s’avérer déterminante. Deux derbies qui questionnent aussi la place de la solidarité romande si tant est que celle-ci existe(rait) autrement qu’en pensées.
«Solidarité, ça voudrait dire tricher. Or je n’ai jamais connu un seul joueur qui en gardait sous le pied. Un match reste un match, personne ne fait des calculs quand il commence»
Déjà relégué, Lausanne pourrait-il être tenté de lever le pied? Et quelle serait l’attitude d’un Servette déjà sauvé au moment d’affronter dimanche son meilleur ennemi à Tourbillon? Ces interrogations nourrissent l’imaginaire collectif. Alexandre Comisetti (48 ans) les siffle hors-jeu en détruisant le mythe. «Solidarité en vertu de quoi? Ce serait mépriser le sport, estime l’ancien international helvétique. Solidarité, ça voudrait surtout dire tricher. Or, je n’ai jamais connu un seul joueur qui en gardait sous le pied. Un match reste un match, personne ne fait des calculs quand il commence.»
Ce qui peut parfois changer, suivant la tournure des événements, c’est l’engagement et l’intensité des acteurs, lesquels, à un moment donné, pourraient peut-être se sentir naturellement moins impliqués.
Lausanne en outsider
Pour l’ex-joueur du LS et de Servette notamment, le rendez-vous de la Tuilière sera abordé différemment par chacun des protagonistes jeudi soir. «Lausanne n’a plus rien à jouer, c’est ce qui peut le rendre particulièrement dangereux. En tant qu’outsider, c’est tellement facile d’aborder un match quand tu n’as rien à perdre. À l’inverse, Sion va ressentir une tension naturelle. Ses joueurs devraient savoir pourquoi ils jouent. À eux d’aller chercher les points qui leur manquent. Bien qu’ayant toutes les cartes en main, les Valaisans ne devront pas se vexer si les Vaudois s’engagent à fond.»
«Il n’y a pas d’arrangements entre amis parce qu’il n’y a pas d’amis dans le football. Il y a trop de primes et trop d’intérêts»
Voir Lausanne «lâcher» au seul prétexte d’une supposée entente romande, Georges Bregy n’y croit pas non plus: «On entend souvent parler d’entente romande ou suisse alémanique mais tout ça, ce sont des histoires, explique-t-il. Vous pensez vraiment qu’un coach puisse demander à ses joueurs de lever le pied consciemment? À ce niveau, cela n’existe pas. Si un club se prêtait à ce genre de combines, cela se saurait tôt ou tard.» Ce sera donc le règne du chacun pour soi, et jusqu’au bout. «Il n’y a pas d’arrangements entre amis parce qu’il n’y a pas d’amis dans le football. Il y a trop de primes et trop d’intérêts.»
À 180 minutes du dénouement, qui héritera de la place de barragiste? «Pour moi, pronostique la plus célèbre moustache du football suisse, Lucerne va se sauver. Grasshopper doit faire très attention. Si Sion ne gagne pas à Lausanne jeudi, ça va aussi être un gros souci.»
«Les Suisse allemands sont beaucoup plus «malins» que nous. S’il faut terminer une saison avec un nul, ils trouvent moyen de faire un nul sans aucunement tricher»
Gabet Chapuisat réfute aussi la thèse d’une solidarité francophone qui tairait son nom. «C’est du pipeau, s’exclame-t-il. Il ne faut jamais compter sur les autres. Si Lausanne peut faire un croche-patte à Sion, ses joueurs ne vont pas se gêner. Les Suisse allemands sont beaucoup plus «malins» que nous. S’il faut terminer une saison avec un nul dans un intérêt commun partagé, ils trouvent moyen de faire un nul sans aucunement tricher. Cela peut concerner l’approche du match ou l’équipe alignée par exemple.» Forcément, il est aussi question de rivalité et de conséquences sportives d’un résultat au détriment d’un autre. «Si Zurich pouvait couler d’une manière ou d’une autre son grand rival Grasshopper, il ne va pas manquer de le faire.»
Le cocotier de Tourbillon
Pour le consultant de blue Sports, le suspense risque de se prolonger jusqu’à dimanche. «Sion n’a plus de calculs à faire, reprend Chapuisat. En affirmant que son club pouvait déjà préparer les barrages, Christian Constantin a voulu secouer le cocotier pour mettre ses joueurs devant leurs responsabilités.»
Sauf qu’à Tourbillon, le cocotier est peut-être plus solidement enraciné qu’ailleurs…