Guerre en UkraineCes démineurs proches de «l’épicentre de l’enfer»
À l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les mines, la représentante de la Fondation suisse de déminage en Ukraine, Yuliia Katelik, raconte son quotidien pour essayer de sauver des vies.


Yuliia Katelik, de la Fédération suisse de déminage, s’attend à un travail titanesque pour sécuriser l’Ukraine après le conflit.
FSDSous l’égide de l’ONU, le 4 avril est la Journée internationale pour la sensibilisation au problème des mines et à la lutte antimines. Cette année, cette journée prend une couleur particulièrement dramatique avec le conflit en Ukraine et la quantité phénoménale d’engins explosifs utilisés, dont évidemment des mines. La Fondation suisse de déminage (FSD) était déjà présente en Ukraine avant le conflit. Elle disposait de deux antennes, l’une à Sloviansk et l’autre à Marioupol.
Yuliia Katelik est la responsable de la FSD pour la sensibilisation et les enquêtes préliminaires en Ukraine. Elle travaille à dans la région de Sloviansk, car à Marioupol, qu’elle qualifie «d’épicentre de l’enfer», les activités ont dû cesser. Le conflit a profondément modifié les activités habituelles sur le terrain, car le principe de la FSD est de ne pas mettre en danger ses collaborateurs. Ces activités consistaient dans la sensibilisation aux risques, les enquêtes et le déminage.
«Tous ces sons sont assez effrayants»
Dans la région de Sloviansk, les conditions sont encore «relativement sûres»: «Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de guerre autour de nous, précise Yuliia Katelik. Au quotidien, dans les villes éloignées des zones chaudes du conflit, des alertes aériennes se font entendre, de fortes explosions et des combats à la périphérie des villes. On entend aussi le bruit des avions de chasse ou de reconnaissance et le son des missiles, qui volent pour aller détruire un objectif. Tous ces sons sont assez effrayants».
«Une issue fatale»
Malheureusement les mines et les engins explosifs ont déjà fait de trop nombreuses victimes civiles: «Dans la plupart des cas, note-t-elle, les incidents se produisent lorsque des personnes ou des familles tentent de s’échapper des lieux occupés et rencontrent soit des mines, soit des engins qui n’avaient pas explosé sur leur parcours. Dans la plupart des cas aussi, cela signifie une issue fatale ou de graves blessures par éclats d’obus. On nous a signalé aussi des cas où des enfants se promenaient dans la forêt et ont été victimes de mines nouvellement installées».
Informer
La FSD entretient une campagne d’informations et de sensibilisation à grande échelle sur les réseaux sociaux. Depuis 2020 elle a créé sur Facebook une page «BEZMIN», qui signifie «sans mines» en ukrainien. «Depuis le 24 février, nous avons mis à jour son contenu, précise la collaboratrice. À côté des messages standards sur la sensibilisation au danger des explosifs, nous avons ajouté d’autres conseils: que faire si l’on observe des avions de chasse, comment franchir des postes de contrôle, comment reconnaître les mines artisanales ou comment calmer les enfants pendant les bombardements».
Avec du ruban adhésif
Sur cette page Facebook, le document qui a eu le plus de succès est une publication qui explique comment protéger les fenêtres efficacement des explosions avec du ruban adhésif: «Elle a été vue 1,3 million de fois, note Yuliia Katelik. Les réseaux sociaux sont l’outil le plus utilisable et le plus efficace pour diffuser l’information, tout le monde surveille la situation de près via internet».
Une aide humanitaire difficile
En tant qu’organisation humanitaire, la FSD s’implique aussi dans l’aide aux déplacés internes, dans la recherche de médicaments, de vêtements, de carburants et de nourriture dans un contexte de grande pénurie: «Pour acheter les articles nécessaires en quantité nécessaire, nos équipes doivent se déplacer prudemment de magasin en magasin, de pharmacie en pharmacie. Un autre défi concerne la difficulté de retirer de l’argent en espèces. On voit d’énormes files d’attente à proximité des distributeurs automatiques de billets, ainsi qu’à proximité des stations-service, jusqu’à 100 véhicules lorsque le carburant est livré».
Des moyens énormes après le conflit
«Une fois que le conflit sera terminé, il faudra lancer d’urgence et massivement une opération de sensibilisation, prévient Yuliia Katelik. Nous devrons informer les gens très rapidement pour qu’ils puissent reconnaître les menaces et vivre à côté d’elles en toute sécurité, sans être blessés ni souffrir».
Depuis le début de l’invasion, la FSD cartographie les zones contaminées par la guerre. «Cela servira à visualiser où sont les menaces, explique-t-elle, et à quel type de menaces nous serons confrontés pour hiérarchiser nos enquêtes». Après un minutieux travail, l’étape la plus importante sera évidemment le déminage, la neutralisation des explosifs et des munitions, l’enlèvement physique et l’élimination de ces engins. On en est encore loin… «En observant la situation au jour le jour, on comprend qu’il faudra d’énormes ressources humaines et financières pour le faire» conclut-elle.