FOOTBALLPhilippe Leuba: «Bob Ratcliffe est atteint dans ses tripes, humainement»
Le Conseiller d’Etat a participé lundi à une séance entre autorités de la Ville et du Canton et les dirigeants d’un Lausanne-Sport en pleine crise sportivo-identitaire.


Philippe Leuba est préoccupé par le sort du Lausanne-Sport, mais il maintient sa confiance aux dirigeants d’Ineos. «Tout projet sportif a besoin de temps», assure-t-il.
20min/Marvin AncianLa Ville de Lausanne et le Lausanne-Sport ont chacun envoyé un communiqué, mercredi après-midi, pour signaler la séance qu’ils avaient tenue la veille, afin d’évoquer l’actualité à la fois brûlante et glaçante du club vaudois – dernière place de Super League avec 6 points de retard, stratégie douteuse, fronde des supporters. Philippe Leuba, Conseiller d’Etat en charge des Sports, a participé aux discussions. Malgré les soucis légitimes qu’il se fait, il maintient toute sa confiance au président Bob Ratcliffe et à Ineos.
Qu’est-il ressorti de cette séance entre les autorités et les dirigeants du LS?
J’aimerais avant tout souligner la transparence et la franchise dont font preuve les dirigeants du Lausanne-Sport. Cette séance a été à la hauteur de la relation et du partenariat qu’il y a entre la Ville de Lausanne et Ineos. A aucun moment, pendant plus de deux heures, Bob Ratcliffe (ndlr: président du club et frère de Jim Ratcliffe, grand patron d’Ineos) n’a manié la langue de bois, ni cherché à éviter les sujets qui fâchent. C’est à louer. Je tiens à le dire, parce que cela n’allait pas de soi. On parle d’un club privé, il n’était pas obligé de répondre à nos questions.
La séance a-t-elle été fixée d’urgence après la nouvelle défaite de dimanche contre Lucerne et les incidents qui s’en sont ensuivis avec les supporters?
Non, la séance était prévue avant les incidents de dimanche. Entre le stade de la Tuilière et le centre d’entraînement, nous avons l’habitude de tenir des séances.
«Bob Ratcliffe est un passionné de foot, atteint dans ses tripes, humainement. C’est le contraire d’un chef d’entreprise désincarné.»
Comment Bob Ratcliffe vit-il la situation du Lausanne-Sport?
Il est manifestement atteint, personnellement. Outre l’aspect sportif, il est très attristé de voir se détériorer la relation entre le club et ses supporters. On est aux antipodes de l’homme d’affaires qui serait prêt à changer de jouet. C’est un passionné de foot, atteint dans ses tripes, humainement. C’est le contraire d’un chef d’entreprise désincarné.
Comment envisage-t-il la suite?
Il a confirmé la volonté d’Ineos de construire un vrai projet au LS, indépendamment de ce qui se passe à Nice. Bob nous a confirmé que Lausanne était un élément important dans l'investissement d’Ineos dans le sport, qu’Ineos n’est pas un genre de sponsor qui s’en va quand ça ne va pas. Cela ne l’empêche pas de reconnaître que des erreurs ont été commises.
Quelles erreurs, par exemple?
Ils sont conscients que le mercato hivernal n’a pas été une réussite. C’était très constructif, je pense que des décisions seront prises dans les prochains jours, il va y avoir des discussions au plus haut niveau, entre Bob et Jim Ratcliffe et Julien Fournier, directeur du football chez Ineos. Ils reconnaissent aussi que la relation qui doit exister entre un directeur sportif et un entraîneur a peut-être été mal appréciée. Cette relation est centrale, elle pose des questions qui n’ont pas trouvé leurs réponses au Lausanne-Sport. Ce sont des postes où il faut deux personnalités fortes, capables de collaborer mais aussi de se confronter, loyalement. Ce n’est pas bon, quand une seule personne a trop de pouvoir.
«Je ne suis pas là pour couper des têtes. Mais nous en avons parlé et je pense que le message est passé. Parfois, il y a besoin d’un électrochoc.»
On pense évidemment au directeur sportif Souleymane Cissé, cible privilégiée des critiques.
Je ne suis pas là pour couper des têtes. Mais nous en avons parlé et je pense que le message est passé. Parfois, il y a besoin d’un électrochoc. Cela dit, je ne suis pas sûr que le plus intelligent consiste à se lancer maintenant dans une chasse aux sorcières. Il faut rester soudé avec l’équipe, faire corps avec ce club qui a un pied dans le précipice mais qui veut sauver sa peau en Super League. Une relégation ne servirait absolument personne, à Lausanne. La Ville et le Canton, qui ont investi dans le nouveau stade et ont un partenariat dans le cadre de la formation des jeunes, souhaitent rester soudés derrière le club.
A propos des jeunes, quel regard portez-vous sur la politique menée, pour l’heure pas très concluante?
J’ai posé la question à Bob Ratcliffe, concernant la formation et l’ancrage régional du club. Toute crise, dans un club de football, provient du manque de résultats de la première équipe. Il faut de la patience. Ineos souhaite appliquer à Lausanne le même genre de méthodes qui font le succès de centres de formation comme ceux de l’Ajax Amsterdam ou Southampton.
Ineos gère le LS depuis plus de quatre ans, les discours sont toujours impeccables mais peinent à se traduire dans le concret. Qu’est-ce qui vous pousse à y croire encore?
Tout projet sportif, surtout dans le football, a besoin de temps. Je ne veux pas comparer ce qui ne peut l’être, mais combien de fois Alex Ferguson a-t-il failli perdre son poste avant de devenir une légende de Manchester United? Cela me donne envie de poser une autre question: si Ineos n’était pas là, qui s’occuperait du Lausanne-Sport?