VenezuelaDéfaite historique du pouvoir sur les terres de Chavez
Le poste de gouverneur de l’État du Barinas, fief de la famille de l’ancien leader Hugo Chavez depuis 1998, vient d’échapper au candidat du pouvoir.

L’opposant Sergio Garrido (milieu droite) avait remplacé au pied levé le candidat d’opposition, Freddy Superlano (milieu gauche).
AFPL’opposition vénézuélienne a remporté une victoire historique dimanche lors des élections du gouverneur de l’État du Barinas, poste tenu depuis 1998 par la famille de l’ancien président Hugo Chavez, au terme d’un scrutin qui a vu le pouvoir tout faire pour arracher la victoire, après une première élection annulée par la justice en novembre 2021.
Inconnu ou presque il y a quelques semaines, l’opposant Sergio Garrido avait remplacé au pied levé le candidat d’opposition, Freddy Superlano, qui était en tête des suffrages quand la justice avait annulé le vote et l’avait déclaré inéligible. «Nous n’avons pas réussi l’objectif» de gagner, a écrit dimanche soir Jorge Arreaza, ancien gendre de Chavez sur son compte Twitter, avant même l’annonce officielle des résultats par le Conseil national électoral (CNE).
Ancien vice-président du Venezuela et ex-ministre des Affaires étrangères, Arreaza, poids lourd du chavisme, avait été parachuté dans cet État de l’ouest du pays après le renoncement du gouverneur sortant Argenis Chavez, frère d’Hugo Chavez, à se représenter. Des décennies de main mise de la famille Chavez sur le poste de gouverneur de cet État stratégique se terminent donc.
«Le noble peuple de Barinas a remporté la victoire», s’est quant à lui réjoui sur Twitter Sergio Garrido, propulsé gouverneur. «Avec l’union et la force de chacun d’entre vous, nous avons réussi… réussi à vaincre les obstacles et les adversités malgré tout ce que nous avons dû affronter».
Divisée lors du scrutin du 21 novembre, l’opposition avait subi au niveau national une cinglante défaite face au pouvoir, qui avait remporté 19 des 23 États et la mairie de Caracas. Cette victoire dans l’État de Barinas est d’autant plus importante que c’est une région clé pour le président Nicolas Maduro, successeur de Chavez, avec ses plaines agricoles, ses réserves pétrolières et sa situation proche de la frontière colombienne où sévissent guérillas et narcotrafiquants.
Un scrutin sou haute surveillance
Pendant la campagne, Garrido avait critiqué «le détournement» des ressources de l’État pour favoriser le candidat du pouvoir. Et dimanche, il a dénoncé l’arrestation «injustifiée» de deux militants à Barrancas. L’AFP n’a pas pu confirmer ces arrestations. Le scrutin était encadré par un important dispositif sécuritaire avec quelque 25’000 agents des forces de l’ordre dont 15’000 militaires, dans cet État de 870’000 habitants.
«L’opposition a gagné (en novembre) et cela ne leur a pas plu, car ils veulent continuer avec leur hégémonie et leur dynastie», avait déclaré à l’AFP Nelson Leon, professeur de musique, 68 ans, après avoir voté près de la Plaza Bolivar, dans le centre de Barinas. En novembre, tandis que les résultats étaient publiés pour les autres États, ceux du Barinas avaient été retardés pendant des jours, puis finalement suspendus, alors que, après le dépouillement de 90% des bulletins, Freddy Superlano menait avec 37,60% des voix, contre 37,21% pour Argenis Chavez. L’opposition avait dénoncé un «bidouillage».
Le pays toujours empêtré dans une grave crise économique
Le pouvoir vénézuélien a mobilisé sa machine électorale pour le nouveau scrutin et envoyé ministres et hauts fonctionnaires dans la région pour battre le pavé aux côtés d’Arreaza. Barinas est, comme le reste du pays, empêtré dans une crise économique qui a fait chuter le PIB par habitant de ce pays producteur de pétrole au niveau de celui d’Haïti.
«J’ai toujours voté et je viens exercer mon vote normalement pour qu’on conserve le gouvernorat», avait affirmé quant à lui Fajardo Romero, 56 ans, pompier et milicien pro-pouvoir, à Ciudad Tavacare, un grand ensemble de logements sociaux où des portraits de Chavez, président du Venezuela de 1999 jusqu’à son décès en 2013, ornent les murs. Avant le scrutin, le directeur de l’institut Delphos, Felix Seijas, estimait que «le gouvernement fait tout ce qu’il peut pour gagner le Barinas» alors que l’opposition veut organiser un référendum pour tenter de destituer le président Nicolas Maduro.
«Ils ne peuvent pas permettre une victoire de l’opposition, car cela alimenterait le discours selon lequel le chavisme n’est pas tout-puissant», disait-il. L’opposition pourrait donc tenter de profiter de ce coup d’éclat pour lancer une campagne en faveur du référendum.