FootballLa Suisse à Wembley pour mesurer ses progrès
La sélection helvétique s’est offert le luxe de deux matches amicaux, contre l'Angleterre ce samedi et contre le Kosovo mardi. Deux matches sans enjeu, mais pas sans importance.


L’équipe de Suisse «s’offre» le temple de Wembley ce samedi.
AFPA l’heure où les matches amicaux n’existent plus, ou si peu, remplacés à tort ou à raison par la Ligue des nations, les tests sans enjeu sont devenus un luxe. C’est ce qui attend pourtant la Suisse ce samedi soir et mardi prochain. Un premier adversaire de prestige, l’Angleterre, un second qui fera basculer le match dans l’émotionnel, le Kosovo, avec les liens qui existent entre les deux sélections.
Ce luxe, la Suisse a sur se l’offrir en terminant devant l’Italie, avec la dramatique conséquence sportive que l’on sait pour la Nazionale depuis le camouflet essuyé par les Italiens à Palerme, jeudi soir, face à la modeste Macédoine du Nord (0-1, l’Italie boutée hors des barrages et surtout du Mondial, pour la deuxième fois de suite).
Des bases solides pendant sept ans
On a encore en tête les relents douteux des critiques qui ont accompagné l’exceptionnel parcours de l’équipe de Suisse depuis la Coupe du monde au Brésil. Au Brésil, Hitzfeld s’était racheté de son semi-échec de 2010 (élimination au premier tour après avoir battu l’Espagne) et de son fiasco des qualifications de l’Euro 2012 (3e place, pas d’Euro) avec un huitième de finale contre l’Argentine. Avec Vladimir Petkovic ensuite, les accomplissements sans faille: deux 8es de finale pour commencer à l’Euro 2016 et au Mondial 2018. Cela ne suffisait pourtant pas pour certains. Le quart de finale perdu aux tirs au but contre l’Espagne à l’Euro 2020/21, après avoir éliminé les champions du monde français, aura au moins clos le débat. Que Petkovic se soit ensuite planté à Bordeaux n’y change rien, d’ailleurs.
Son travail a jeté des bases solides durant sept ans. C’est sur ces fondations et ces assurances que Murat Yakin construit aujourd’hui. Avec brio. Terminer devant l’Italie championne d’Europe, ce n’est pas anodin. Cela raconte quelque chose de fort. Bien sûr, on gloserait sur le contraire, peut-être, si Jorginho avait transformé l’un de ses deux penalties face à Sommer, l’automne passé. C’est l’Italie qui serait déjà qualifiée pour le Mondial, c’est la Suisse qui sortirait aujourd’hui de son premier match de barrage (dans quel état?). Tout est toujours fragile. S’en rappeler, c’est souligner les progrès de la sélection helvétique depuis plusieurs années maintenant, tant dans la maîtrise collective que technique.
«Je vais utiliser ces matches amicaux pour essayer des choses»
Ce premier match amical, ce samedi contre l’Angleterre, doit servir justement à mesurer les progrès accomplis. Lors des qualifications pour l’Euro 2016, la Suisse était dans le même groupe que les Anglais: elle avait fini à la deuxième place, neuf points derrière, mais qualifiée directement à l’époque.
L’Angleterre – Suisse de ce samedi soir compte sans doute pour beurre, comme on dit. Mais il doit faire écho à celui du 8 septembre 2015: mêmes décors, la colossale enceinte de Wembley, même adversaire bien sûr. Même Suisse? A l’époque, comme à Bâle quelques mois plus tôt, la Suisse s’était inclinée 2-0. Elle a grandi depuis. Elle s’est taillée une réputation, un style, elle a engrangé des résultats avec une régularité jamais démentie: que peut-elle montrer face à cette Angleterre qui a échoué dans ce même stade à remporter l’Euro?
«Je vais utiliser ces matches amicaux pour essayer des choses», a dit Murat Yakin avant le choc de ce samedi soir. Il aurait tort de se priver. Avec une bonne dose de baraka et un Sommer au sommet de son art, il a fait le dépit de l’Italie à Bâle l’automne passé, malgré l’absence de plusieurs cadres. Avec une préparation minutieuse, il a su surprendre la même Italie peu après à Rome, avec une première période de haut vol.
Le retour du patron
Fin tacticien, Yakin est dans son élément. Il pense déjà au Mondial 2022 au Qatar, en fin d’année. Les essais qu’il fera ce samedi soir à Wembley, et mardi à Zurich contre le Kosovo, ne seront pas innocents.
Et puis, ne serait-ce que pour le retour du patron en sélection, ces deux rencontres ont leur importance. Bien sûr, la Suisse s’est qualifiée pour le Mondial 2022 sans Granit Xhaka (Covid puis blessure à l’automne). Il faudrait être fou, aveugle ou couver la pire des mauvaises fois pour se dire, ne serait-ce qu’une seconde, que la sélection helvétique peut se passer de lui quand il est à disposition. Qui d’autre en Suisse aurait pu inventer, dans l'exécution et dans le timing, la passe parfaite qui a permis à Gavranovic d’égaliser contre la France lors de l’Euro? Personne. Et ce n’est là que la partie émergente de son importance pour le groupe.
Yakin ne s’y est pas trompé, lui qui est allé trouver le capitaine de la sélection à Londres il y a quelques jours seulement, début mars. Le décideur, c’est Yakin. Le patron des joueurs, c’est Xhaka. La hiérarchie est partout, les deux hommes en ont sûrement parlé ensemble. Le reste doit s’écrire sur le terrain. Amical ou pas.

Murat Yakin, le «décideur» de l’équipe de Suisse.
AFP