La Vaudoise Yousra Zein écrit pour «Vogue»

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InterviewLa Vaudoise Yousra Zein écrit pour «Vogue»

La Tuniso-Suisse a tapé dans l’œil du célèbre magazine afin de rédiger des articles sur une mode plus inclusive. Elle nous raconte.

Fabio Dell'Anna
par
Fabio Dell'Anna
Yousra Zein écrit pour «Vogue France» depuis cette année.

Yousra Zein écrit pour «Vogue France» depuis cette année.

Instagram Hayekk

Yousra Zein en a parcouru du chemin depuis la création en 2015 de son blog intitulé Hayekk. Son style s’est perfectionné, son sens du détail aussi. Celle qui est née à Écublens (VD) utilise de plus en plus son image et sa voix pour défendre ses convictions de femme libre. «Le féminisme marche seulement s’il est inclusif», nous dit-elle d’emblée au téléphone. La Romande de 31 ans a désormais trouvé sa place dans le milieu de la mode: les plus grands magazines publient ses looks et sa communauté sur les réseaux sociaux grandit. Depuis un mois, elle prête sa plume à «Vogue France».

C’est la nouvelle stratégie de Condé Nast qui pousse l’influenceuse dans cette voie, l’an dernier. Le groupe d’édition du mensuel a placé des femmes plus jeunes à des postes importants, dont Eugénie Trochu qui est la Head of Editorial Content de «Vogue France». «Elle souhaite que la véritable France soit représentée dans ce magazine», explique Yousra Zein, avant d’ajouter: «Elle a, par exemple, participé à la couverture d’Aya Nakamura en novembre 2021.» Sensible à ces changements éditoriaux de son journal préféré, la Tuniso-Suisse contacte la direction. «Je lui ai dit que, lorsque je venais aux défilés parisiens, plusieurs éditions de «Vogue» partageaient mes tenues. Pas l’édition française. J’ai toujours eu l’espoir de voir une femme qui porte le foulard dans le mensuel qui se trouve dans le kiosque à côté de chez moi. Finalement, à chaque fois que j’ouvrais le magazine, le manque de représentation me touchait personnellement.»

«Ce genre d’opportunité où l’on voit quelqu’un comme moi parler de mode donne de l’espoir aux jeunes filles et ce peu importe leur choix de vêtements»

Yousra Zein, influenceuse

Suite à cet échange, le média lui fait confiance et l’engage en tant que contributrice. «Eugénie voulait aller dans cette direction depuis longtemps. Elle est à l’écoute, toujours avec bienveillance, de mes idées les plus folles.» Et ça paie. Un article a déjà été publié et «un effet boule de neige s’en est suivi». «Vogue Germany» a traduit les sujets de Yousra Zein. Celle-ci s’est aussi occupée de l’Instagram du média allemand lors du défilé d’Isabel Marant le 3 mars dernier. «Ce genre d’opportunité où l’on voit quelqu’un comme moi parler de mode donne de l’espoir aux jeunes filles et ce peu importe leur choix de vêtements», affirme-t-elle avec fierté. Elle nous souffle que de beaux projets arrivent de plus en plus. Même avec des gens qui ne la calculaient pas il y a cinq ans. «Je ne leur en veux pas. Maintenant, il y a cette petite fenêtre qui s’est créée et il faut l’utiliser de la meilleure des façons.»

Yousra Zein a toujours voulu «ramener ce phénomène de la modest fashion (ndlr.: une mode qui respecte un certain nombre de codes faisant référence à des vêtements moins révélateurs de peau et plus fluides et qui répondent à des spécifications religieuses ou esthétiques) sur le devant de la scène». Même si les femmes qui portent le foulard sont bien représentées sur les réseaux sociaux, il y a un gros gap avec les médias plus populaires. «J’utilise ma plateforme et mes contacts pour passer ce message. Peu de personnes nous écoutent. Nous sommes obligées de nous créer des occasions pour nous faire entendre.» Elle pense notamment à son travail en tant que consultante avec Zalando. «La marque s’est inspirée de l’un de mes hijabs et l’a commercialisé. C’est incroyable que l’on ne doive plus commander ses vêtements en Angleterre, au Liban ou en Turquie. Cela signifie qu’un marché existe et qu’il y a un gros potentiel. Ce moment compense plein de mauvaises expériences que j’ai vécues», confie-t-elle avec le sourire.

«J’ai pris beaucoup de claques dues à l’ignorance. Cela prend du temps pour sensibiliser et amener cette conversation en douceur.»

Yousra Zein, influenceuse

Car même si elle est de nature très positive, l’influenceuse reste lucide. «J’ai pris beaucoup de claques dues à l’ignorance. Cela prend du temps pour sensibiliser et amener cette conversation en douceur. Le changement n’est jamais facile.» Elle trouve qu’il y a un grand féminisme blanc dans notre société. «Encore plus dans les régions francophones», souligne-t-elle. La Vaudoise entend, encore aujourd’hui, des critiques sur son succès qui serait «éphémère» ou sur le fait qu’elle serait «complètement brainwashée».

Pour autant, Yousra Zein ne se laisse pas abattre. Elle martèle au bout du fil: «On se bat pour que la femme soit libre, cela signifie que l’on se bat aussi pour que la femme musulmane puisse se couvrir si elle en a envie.» Celle qui précise porter le voile depuis l’âge de 13 ans par «conviction» nous répète que le féminisme concerne toute la gent féminine. Sans exception.

Pour la suite, la nouvelle collaboratrice de «Vogue France» a encore quelques rêves professionnels, qu’elle préfère garder encore secret. Elle espère juste que les minorités seront plus incluses dans les équipes de travail. «Il faut arrêter d’interpréter les visions. Il faut demander les avis aux bonnes personnes, celles concernées, car elles sont aussi talentueuses.»

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