Un expert tire à boulets rougesLes légendes de l’alpinisme accusées d’avoir menti sur leurs exploits
Selon un spécialiste de la discipline, seuls 3 alpinistes sur 44 auraient réellement gravi les 14 montagnes de plus de 8000 mètres jusqu’au sommet. De grands noms sont concernés.

Comme d’autres grands alpinistes, Erhard Loretan se serait arrêté juste avant la pointe de certains sommets.
LMDC’est un séisme dans le monde de l’alpinisme. Un spécialiste de la montagne, Eberhard Jurgalski, affirme dans une interview jeudi au Tages-Anzeiger que seuls trois alpinistes ont réellement gravi les 14 sommets de plus de 8000 mètres dans le monde.
Jusqu’ici, on partait du principe que 44 alpinistes avaient réussi cet exploit. «Nous avons maintenant pu démontrer que seuls trois d’entre eux avaient réellement atteint tous les sommets. Les autres se trouvaient sur des avant-sommets, parfois à plus de 100 mètres du pic principal», affirme cet Allemand de 69 ans qui a commencé à vérifier les ascensions de ces champions il y a quarante ans. Ses recherches ainsi que celles de son équipe ont été publiées sur le site www.8000ers.com.
Reinhold Messner et Erhard Loretan
Presque toutes les «stars» de la montagne sont concernées, selon ses conclusions. À commencer par l’Italien de langue allemande Reinhold Messner, qui a été le premier à atteindre les 14 sommets en octobre 1986. En fait, il n’en aurait gravi «que» 13. Idem pour le célèbre Fribourgeois Erhard Loretan, décédé en 2011. Et selon Eberhard Jurgalski, aucune femme n’aurait réussi à accomplir cet exploit, alors que quatre le revendiquent aujourd’hui.
«Ces conclusions sont précaires, je le sais bien», reconnaît l’expert. Mais il s’explique avec le cas d’Erhard Loretan. «Lorsqu’il a ouvert la nouvelle voie sur le Dhaulagiri en 1985, il s’est arrêté dans la zone dite Metal Pole Area. Nous avons pu le prouver à l’aide de photos. Mais de là, le sommet est encore à 140 mètres. J’ai passé des nuits blanches lorsque nous avons découvert l’erreur», explique-t-il.
«Mes héros ont commis des erreurs»
«Quand on vérifie des ascensions connues et qu’on découvre qu’elles ne sont pas correctes, on doit pouvoir le dire en tant que chroniqueur», relève-t-il, en avouant être mal à l’aise de devoir prouver que ses «héros ont commis des erreurs». «Mais c’est injuste pour les alpinistes qui ont atteint le point le plus haut si l’on passe outre», dit-il. Il affirme toutefois ne vouloir de mal à personne et que, selon lui, «personne n’a triché intentionnellement».