Jura«Avec la pandémie, la rubrique nécrologique a gagné quelques pages»
Dans l’«Almanach du Jura», la part consacrée aux hommages funèbres a augmenté avec la pandémie, mais le succès de cette revue n’est pas morbide.


L’«Almanach du Jura» contient 34 pages nécrologiques, avec le nom, l’âge et le domicile.
Lematin.ch/Vincent DonzéUne brochure régionale qui passe l’année en revue depuis 1884, c’est un petit miracle éditorial qui a traversé deux guerres, à Porrentruy. Catholique à l’origine, l'«Almanach du Jura» a ouvert ses colonnes aux réformés et aux évangéliques en 2003, mais ce qui fait perdurer son succès, c’est d’abord sa rubrique nécrologique: 34 pages de portraits en noir et blanc, tous des Jurassiens disparus l’an dernier.
«Avec la pandémie, la rubrique a gagné quelques pages…», commente avec tristesse Catherine Koller (54 ans), responsable de l’almanach jurassien depuis 25 ans. La Covid-19 a emporté son illustrateur Tayfun Yilmaz, collaborateur de l’almanach pendant huit ans. Il est mort à 55 ans. Sa photo figure en page 206, parmi 516 portraits.
Les photos ont plusieurs origines, souvent via les pompes funèbres, mais beaucoup ont été publiées dans la rubrique nécrologique du «Quotidien Jurassien», La première photo de la rubrique «Ils nous ont quittés» est celle de l’abbé Jean-Pierre Schaller, mort à 97 ans à Porrentruy. De la page 183 à la page 217, le défilé des portraits n’est entrecoupé que par les encarts publicitaires de pompes funèbres. «L’almanach existe grâce à ses annonceurs», relève Catherine Koller, établie à Asuel.

À Bienne, au «Café Brésil», Philippe Wicky de Vicques est un lecteur assidu de la rubrique des décès.
Lematin.ch/Vincent Donzé«Cette année, je ne connais personne», lâche un fidèle lecteur, Philippe Wicky de Vicques, au «Café Brésil» de Bienne. Son exemplaire vient tout droit du kiosque de la gare de Delémont, quand bien même l’«Almanach du Jura» est disponible dans une librairie biennoise. «Cette revue est précommandée chaque année par des habitués, y compris du Jura bernois», indique une employée.
Réduire l’almanach jurassien à sa rubrique nécrologique serait une erreur: en couleur, il y a des jubilaires et des mariés qui ont fêté au moins leurs noces d’or, mais aussi des naissances, histoire de rajeunir le lectorat. Avec quatre générations sur une même image, la rubrique «Les Trèfles à quatre» fait aussi un tabac.
L’actualité 2021 est passée en revue par des contributeurs rétribués, mais des bénévoles dressent aussi des portraits, comme celui de la fanfare de Lajoux pour ses 150 ans. Les recettes sont de préférence régionales, comme celle des pâtes aux blettes.

Tiré à 6500 exemplaires, l’«Almanach du Jura» est vendu en kiosques et en librairies, lorsqu’il n’est pas expédié aux Jurassiens de l’extérieur.
Lematin.ch/Vincent Donzé«Ma maman garde son almanach toute l’année dans sa cuisine», sourit la typographe Catherine Koller. Ce qui fait durer l’«Almanach du Jura» mis en pages par une polygraphe et imprimé par «Le Pays» à Porrentruy, c’est le calendrier avec ses lunes et ses saints: «Les jardiniers amateurs le consultent avant de planter des légumes», assure la responsable d’édition.
Catherine Koller n’est pas rédactrice du variant jurassien du «Messager boiteux». Quand elle ne cherche pas des annonceurs, elle rédige la rubrique «Le saviez-vous» et les «Trucs et astuces chez soi», en expliquant par exemple que des épluchures séchées activent les flammes et participent à l’entretien du conduit de cheminée.
Au «Café Brésil», à la table de «Fipou de Vicques», il est question «du Marcel, qui va passer avant moi» dans l’almanach. Après avoir feuilleté l’«Almanach du Jura» et l’avoir donné à lire à une cliente, Philippe Wicky l’a offert à quelqu’un. «Je n’ai pas besoin de calendrier pour savoir quand la Lune est pleine: je la sens», conclut-il.