Jeux vidéoEn Europe, la domination de la PlayStation est insolente
Au premier trimestre 2023, les ventes de PS5 se sont envolées alors que celles de la Switch et de la Xbox régressaient, selon l’institut GSD.


De gauche à droite, la Switch, la Xbox Series X et la PlayStation 5.
drSur le marché de la console de jeux, la PlayStation est-elle en Europe en terrain conquis? Divers indices observés çà et là – notamment via des discussions avec des gamers, avec des détaillants ou en comparant les tailles des rayons – étayent ce ressenti de longue date. Les chiffres récents basés sur des données récoltées en France, Italie, Espagne, Pays-Bas, Belgique, Danemark, Portugal et en Suisse par l’institut GSD étayent l’hypothèse d’une domination insolente.
En mars 2023, il s’est vendu 570’000 consoles (PlayStation, Switch et Xbox Series) sur ces territoires selon GSD, soit une hausse de 67% par rapport au même mois de 2022. L’impact de la pandémie de Covid-19 sur la production explique grandement cette forte croissance. Elle est néanmoins exclusivement portée par les ventes de la PS5, souligne le site britannique GamesIndustry.biz. Car alors que les ventes de PS5 s’envolaient, celles de la Nintendo Switch (-19%) et des Xbox Series X et S (-13%) régressaient.
Mois ou trimestre, même tendance
Même chanson pour le premier trimestre 2023 comparé au même trimestre de 2022 toujours selon GSD: 1,5 million de consoles ont été vendues au total (+41%). Mais là encore la PS5 s’est offert une croissance de 369% alors que la Switch perdait 18% et les Xbox Series 10%.
L’élargissement du gouffre qui sépare la console de Sony de ses concurrentes peut être nuancé. Déjà, il n’est pas impossible que Sony ait été plus rapide que Microsoft pour éliminer le goulet d’étranglement qui a durement touché la production de machines à jouer pendant les années de pandémie. De plus la Nintendo Switch (plus vieille, moins puissante et hybride) est une console en fin de vie. Elle décline, certes, mais en bon soldat après avoir connu un tel succès qu’elle peut encore vivre longtemps sur ses acquis. Comparaison n’est donc ici pas forcément raison. Enfin Microsoft, jusqu’ici adversaire plus frontal, s’est clairement orienté vers un business dans lequel la production de consoles de jeux reste importante mais n’est plus centrale. Le Game Pass, soit son Netflix du jeu vidéo, et la mise sur le même plan des jeux PC et consoles illustrent cette stratégie.
Pendant ce temps à Seattle
La situation de Microsoft en Europe n’en paraît pas moins préoccupante. Lancée en 2001, la Xbox a permis au géant américain de mettre un pied sur le marché de la console. Puis la Xbox 360 lui a permis de faire jeu égal avec une PS3 affaiblie par l’arrogance de ses géniteurs qui ont dû rétropédaler pour reprendre la corde juste avant la ligne d’arrivée. Mais le lancement de la Xbox One fut marqué par un tel aveuglement que cette génération est toujours restée un petit point dans le rétroviseur de la PS4.
Et on en arrive là: bien que parti sur des bases plus saines, la génération Xbox Series tarde à démontrer qu’elle pourrait inquiéter la PS5. Il faut dire que le brouillard du Covid était épais. En Europe, la console approche cependant dangereusement de l’invisibilité avec un silence marketing assourdissant de Microsoft, en tout cas vu de Suisse, alors que Sony promeut depuis quelques semaines sa PS5 comme si elle venait d’être lancée.
Le contexte
Tout cela se déroule dans un contexte encore plus bizarre de guerre ouverte entre Sony et Microsoft. Sony met ainsi toute sa puissance de feu pour contrarier (non sans succès) la finalisation du rachat par Microsoft du géant Activision-Blizzard, finalisation dépendante de feux verts de diverses autorités de régulation. Pour maximiser l’impact de sa tactique, Sony tente d’une main de convaincre que sa division jeu deviendrait un nain écrasé par la masse crée par Microsoft en cas de succès tout en minimisant de l’autre main son véritable poids, sa domination sur divers marchés clés et ses propres pratiques, parfois jugées douteuses, pour s’octroyer des exclusivités auprès de créateurs de contenus tiers.
Microsoft, pour sa part, peine à rendre sa console haut de gamme plus désirable, non pas parce qu’elle est mal conçue mais par manque de contenus maisons qui sont toujours dans la catégorie «ça vient» alors que Sony est jusqu’ici parvenu à sortir deux à trois grosses exclusivités juteuses par an.
Nostradamus, sors de ce corps!
Nos prévisions de Nostradamus? La PS5 va continuer en 2023 à dominer en Europe. C’est moins sûr au Japon où Nintendo est favorisé par les usages nippons. Elle va creuser l’écart en poursuivant une politique agressive et souterraine d’entretien, d’acquisition et de bétonnage de son marché. Microsoft a besoin de plus de temps, la partie est perdue pour cette année. L’intégration d’Activision-Blizzard va encore traîner voire échouer et la division gaming du géant va traverser une crise existentielle (si ce n’est déjà pas le cas) avant même que les énormes chantiers ludiques mis en place ces dernières années parviennent à bout touchant. Pour sa part, Nintendo va profiter dans les grandes largeurs de la sortie du prochain «Zelda: Tears of the Kingdom» et lancer quand cela lui chantera et sans pression excessive un successeur à sa phénoménale Switch.
On peut se tromper. Sur certains points, il est même souhaitable qu’on se trompe.