Compagnie Cathay PacificLes quarantaines ultrastrictes à Hongkong font craquer les pilotes
Basée à Hongkong, Cathay Pacific doit appliquer des règles anti-Covid très contraignantes pour ses équipages. Épuisés, beaucoup de pilotes cherchent du travail à l'étranger.

La compagnie hongkongaise Cathay Pacific doit appliquer les quarantaines très strictes en vigueur dans le territoire.
REUTERSLa compagnie aérienne hongkongaise Cathay Pacific connaît ces dernières semaines une vague de démissions de pilotes, lassés, voire épuisés, par les mesures de quarantaine draconiennes en vigueur dans le territoire. Hongkong s’est aligné sur la stratégie de «zéro Covid» chinoise, ce qui a permis de maintenir le taux d’infection à un très faible niveau mais a isolé la ville du reste du monde.
L’exécutif de Hongkong s’est fixé pour priorité la réouverture de sa frontière avec la Chine continentale, au détriment de la reprise des voyages internationaux. Un choix décrié par les milieux d’affaires, inquiets pour la compétitivité de cette importante place financière mondiale.
«Point de rupture atteint»
Les quatre pilotes interrogés par l'AFP et ayant requis l’anonymat disent connaître plus d’une dizaine de collègues ayant démissionné ces dernières semaines. Beaucoup cherchent du travail à l’étranger, où le trafic aérien redémarre, de nombreux pays ayant décidé de vivre avec le Covid-19.
«C’est horrible, les démissions crèvent le plafond», a souligné un pilote qui, avec plus de 20 ans d’expérience, a postulé chez deux compagnies concurrentes. «Beaucoup ont atteint le point de rupture. C’est étonnant que nous n’ayons pas encore eu d’accident.»
Des semaines dans une «bulle»
Pendant la majeure partie de la pandémie, Hongkong a drastiquement limité les arrivées de voyageurs en provenance de l’étranger, les soumettant à une quarantaine obligatoire allant jusqu’à trois semaines. Les pilotes bénéficient de certaines exemptions mais passent des jours, voire des semaines, dans une «bulle» qui se limite à l’avion et à une chambre d’hôtel afin d’éviter une quarantaine au retour. La forme la plus extrême de ce système est celle dite en «circuit fermé»: un équipage volontaire passe environ cinq semaines dans cette «bulle», puis deux semaines à l’isolement à domicile.
Les pilotes interrogés disent que ces règles de quarantaine ont eu un impact mental considérable sur le personnel navigant et leurs familles. Le ressentiment a augmenté au fil des mois, avant d’atteindre son paroxysme en novembre quand plus de 270 personnes – 120 membres d’équipage et leurs familles – ont été envoyées dans un camp de quarantaine gouvernemental après que trois pilotes eurent été testés positifs à leur retour d’Allemagne. Le trio a été licencié, Cathay les accusant d’avoir quitté leur chambre d’hôtel lors d’une escale.
«Absolument épuisés»
Un pilote d’avion cargo dit songer à démissionner «dans les six prochains mois» et chercher un emploi à l’étranger maintenant que les compagnies du Moyen-Orient et d’Amérique du Nord embauchent à nouveau. «Parfois, je suis resté à l’isolement complet pendant douze jours à l’hôtel», a-t-il expliqué. «Nous sommes absolument épuisés par cette situation.»
Avenir incertain
Depuis le début de la pandémie, Cathay a reçu un soutien financier substantiel du gouvernement et de nombreux pilotes ont conservé leur emploi moyennant une baisse de 50% de leur salaire. Ils redoutent cependant que l’avenir de Hongkong, une des plateformes de transport les plus actives d’Asie, soit menacé. En novembre, FedEx a annoncé la délocalisation de ses pilotes à l’étranger.
«Une fois que les compagnies aériennes auront déplacé les infrastructures telles que les techniciens, le personnel au sol et les pilotes de Hongkong vers des endroits comme Séoul et Bangkok, croyez-moi, elles ne reviendront pas», a estimé pilote. Le ministère hongkongais des Transports n’a pas souhaité faire de commentaires sur l’avenir de la ville. «Nous réexaminerons les dispositions de quarantaine pour les équipages quand il le faudra», a déclaré un porte-parole.
Départs de pilotes
Dans un enregistrement obtenu par l’AFP, le directeur des opérations aériennes de Cathay, Chris Kempis, a fait état cette semaine, auprès des salariés, d'«un taux de démission plus élevé chez les pilotes en ce moment». Il a reconnu que compte-tenu de la situation à Hong Kong, le départ de pilotes devrait perdurer mais que la compagnie entend toujours procéder à «un grand nombre de recrutements» l’an prochain.
Règles contraignantes
Un pilote a raconté n’avoir pas pu voir sa famille vivant à l’étranger pendant plus de vingt mois, mais ne pas avoir d’autre choix que de continuer à voler pour compléter son salaire réduit. «Nous reconnaissons que ces règles et leur durée d’application font peser un fardeau sur notre personnel navigant», a admis Cathay Pacific. Tout pilote qui se sent inapte à voler peut refuser de travailler «sans risque, et est protégé par la loi», a ajouté la compagnie.