États-UnisDonald Trump inculpé: l’énigme du mobile
L’acte d’inculpation contre Donald Trump fourmille de détails et d’éléments de preuves de ce qui lui est reproché, mais un élément manque à l’appel: son mobile.

Un partisan de Donald Trump devant son resort de Doral Miami, le 12 juin 2023.
Getty Images via AFPL’ex-président est accusé d’avoir emporté des documents confidentiels à son départ de la Maison-Blanche, et refusé de les rendre en dépit de multiples requêtes des autorités. Il aurait pu s’épargner chacun des 37 chefs d’inculpations portés contre lui, s’il avait seulement permis aux Archives nationales de récupérer les documents l’an dernier.
Aux États-Unis, une loi oblige les présidents à transmettre à cette agence fédérale tous leurs e-mails, lettres et autres documents de travail. Une autre, sur l’espionnage, interdit de conserver des secrets d’État dans des lieux non autorisés et non sécurisés.
En janvier 2022, après plusieurs relances, Donald Trump accepte de remettre aux Archives nationales 15 boîtes de documents. En juin, d’autres documents sont restitués, et l’équipe du milliardaire républicain assure que ce sont les derniers.
Sauf que 34 autres boîtes de documents sont encore dissimulées à Mar-a-Lago, luxueuse résidence de Donald Trump en Floride. Le FBI sidère alors l’Amérique en y conduisant une spectaculaire perquisition le 8 août, mettant la main sur des milliers de documents, dont 102 classifiés. Les chefs d’accusation ne concernent pas les 15 premières boîtes, façon pour le ministère de la Justice d’indiquer qu’il aurait pu s’éviter toute cette affaire.
Monnaie d’échange?
Pourquoi a-t-il persisté? Le mystère demeure. «Tout cela s’est produit du fait de la conduite imprudente du président», a asséné dimanche sur Fox News son ancien ministre de la Justice, Bill Barr. «N’importe qui d’autre dans ce pays» aurait restitué les documents, a-t-il estimé.
Pour Michael Cohen, ancien avocat de Donald Trump devenu critique, l’ex-magnat de l’immobilier voyait les documents comme monnaie d’échange politique et commerciale. «Je n’ai aucun doute sur le fait qu’il est persuadé que ça pouvait lui apporter un quelconque profit», a-t-il expliqué au micro de MSNBC.
L’acte d’accusation semble démontrer que Donald Trump considérait les documents comme lui appartenant personnellement, en tant qu’ancien président. «Je ne veux pas que quiconque fouille dans mes boîtes, je ne veux vraiment pas», a-t-il dit à l’un de ses avocats en mai 2022, après s’être vu intimer par le FBI de rendre le contenu desdits cartons.
Son goût pour les souvenirs pourrait aussi apporter un élément d’explication. Les documents classifiés ont en effet été retrouvés dans des boîtes où se trouvaient également des photos, des coupures de presse, des vêtements et même des balles de golf – soutenant l’idée selon laquelle tout cela a été empaqueté dans l’agitation de ses derniers jours à la Maison-Blanche, en janvier 2021.
S’y trouvaient aussi des dossiers estampillés «classifié» mais vides, qualifiés de «souvenirs sympas» par Donald Trump.
Puissance et prestige?
Impossible de savoir à quel point l’ancien président connaissait le détail du contenu des boîtes. Mais il semblait se délecter d’avoir accès aux secrets d’État, sources de puissance et de prestige. Lorsqu’il occupait encore le Bureau ovale, il aimait s’en vanter, comme lorsqu’il avait évoqué, avec le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, des renseignements d’Israël concernant l’État islamique. Contre l’avis de ses collaborateurs, il avait aussi publié sur Twitter une photo de reconnaissance top secrète d’une fusée iranienne qui avait explosé.
Selon l’acte d’accusation, après son départ de la Maison-Blanche, Donald Trump avait également montré à deux reprises des documents militaires ultrasecrets – possiblement un plan d’attaque de l’Iran – à plusieurs personnes sans habilitation secret-défense. «En tant que président, j’aurais pu les déclassifier (…), maintenant je ne le peux plus, mais il s’agit toujours de secrets», avait-il confié, sur un enregistrement audio cité par le document judiciaire.