Football: Commentaire: A Servette, le règne du grand «foutoir»

Brûlant la politesse à ses dirigeants, Philippe Senderos a cru bon annoncer lui-même sur les réseaux sociaux ce lundi matin son départ du poste de directeur sportif du Servette FC qu’il occupait depuis trois ans. Son annonce intervient le jour même de l’officialisation du retour de Kevin Mbabu à la Praille. Habituellement discret dans sa communication, le réservé Senderos n’a pas hésité cette fois-ci à passer à l’offensive, préférant manifestement anticiper l’inéluctable. Avoir été sciemment écarté des discussions entourant le prêt du défenseur genevois de Fulham l’aura  convaincu de prendre les devants afin d’espérer sauver la face. Concrètement, la vérité est nettement plus crue: l’ancien Gunner a été viré séance tenante, ce qui ne change rien au fond du problème.

Après Pascal Besnard, quittant son poste de président au printemps 2022 pour incompatibilité avec Didier Fischer, après Jean-Marc Guinchard, démissionnant de son poste de président de la Fondation du Stade à l’automne, après Richard Feuz, annonçant avant Noël qu’il abandonnait son poste de directeur général du SFC, Philippe Senderos est le dernier nom d’une longue liste de personnes ayant choisi de quitter leur club de cœur, parfois après y avoir été invités. Voilà qui en dit long sur le management de Didier Fischer à la tête d’une maison «grenat» en proie à de profondes dissensions internes. Parmi les griefs revenant en boucle, les liens parfois troubles entre Genève Sport, cette société prestataire de services détenue par la Fondation 1890, et l’entité football.

Au bout du lac, la démission actée de Senderos préfigure le départ contraint d’Alain Geiger, un coach à succès dont le contrat, s’achevant en juin prochain, ne sera certainement pas renouvelé si l’on en croit ce qui se dit et qui n’a jamais été démenti. Les deux parties avaient initialement choisi d’attendre la fin mars pour communiquer au sujet du cas du technicien valaisan. Afin de dissiper un flou persistant, le calendrier pourrait s’en trouver modifié…

Au-delà de la personnalité assez peu charismatique de Senderos, celui-ci a tardé à mettre son empreinte dans les différents mercatos servettiens. Était-il vraiment la bonne personne au bon poste? Revenu dans sa ville et dans son club, l’ancien grand international s’épanouissait-il réellement dans ce rôle qu’il découvrait? Si chacun possède son style, il est permis d’en douter.

Dans la nébuleuse «grenat», il est au demeurant bien difficile de s’y retrouver et de savoir ce qui s’y passe vraiment, alors même que les voyants sont plutôt au vert sur le pré, Servette, bien que relégué à 16 points du leader YB, pouvant toujours ambitionner de s’installer durablement dans le fauteuil de dauphin. Si le sportif fonctionne, les coulisses bruissent de rumeurs malsaines.

Vu de l’extérieur, cela semble même être le règne d’un grand «foutoir». Dans son communiqué sibyllin annonçant la fin immédiate de sa relation de travail avec son désormais ancien directeur sportif, le club genevois évoque un «changement stratégique visant à optimiser l’organisation du club». Si certains redoutent déjà le pire, d’autres à l’inverse s’en réjouissent. 

Une seule vérité réconciliera sans doute les uns et les autres: au moment de partir à la conquête de la Coupe et de l’Europe, ses deux objectifs du printemps, Servette aurait urgemment besoin de sérénité et de transparence. Ce qui suppose de jouer cartes sur table plutôt que de développer la culture du secret quitte à bluffer. Sur la scène du Grand Théâtre de la Praille, un cycle est en train de s’achever, avec un grand coup de balai qui ne fait peut-être que commencer. Mais personne ne sait à quoi ressemblera le prochain décor ni le nom des acteurs appelés à tirer les ficelles dès la saison 2023-2024.