VaudAgressée en 2012, elle fait condamner son violeur aujourd’hui
Le Tribunal de Lausanne a cru la jeune femme qui a dénoncé tardivement son agression sexuelle survenue il y a plus de dix ans. Son abuseur écope de 3 ans et 8 mois ferme.


Ce procès hors norme a débuté hier mardi 25 avril. Le verdict a été rendu ce mercredi par les juges de Montbenon, à Lausanne.
lematin.ch/Laurent CrottetQui dit vrai? Relation consentie ou rapport contraint? La preuve irréfutable ne se trouve pas dans l’ADN de Moussa*, retrouvé sur les parties génitales d’Aya*. Peut-être dans les lésions constatées au CHUV au lendemain de cette nuit maudite du 17 au 18 octobre 2012. Cette intimité a-t-elle été bestiale et violente à dessein, ou pas? Tous les doutes sont permis. A contrario, le faisceau d’indices est patent. Reste la parole de la jolie Camerounaise, violée en 2012 à l’âge de 18 ans, qui a enterré sa souffrance durant huit ans «parce que c’était plus facile que d’affronter», avant de déposer une plainte pénale en 2020. Et reste les dénégations des coprévenus.
Procureur acharné
Saisi de cette sordide affaire, le Ministère public a tout fait pour rattraper Moussa, 28 ans aujourd’hui. Mais également son pote Djibril*, 30 ans, accusé d’avoir assisté (en présence d’un mineur jugé séparément) aux ébats du «couple» et de s’être offert du plaisir. Persistance récompensée pour le procureur Jérémie Müller. Hier mardi, les deux Africains d’origine ont comparu devant une Cour criminelle pour viol, assorti de l’aggravation rarissime de viol en commun. Le magistrat a requis respectivement 7 ans et demi de prison ferme contre Moussa et son expulsion du territoire pendant sept ans et 6 ans contre Djibril pour avoir cautionné, profité de la situation et ne pas être venu en aide à la jeune fille en état de sidération.
Victoire partielle
L’intime conviction du parquet allait-elle l’emporter? La crédibilité d’Aya, qui vit avec un trouble de stress post-traumatique diagnostiqué, sera-t-elle balayée au bénéfice du doute et au profit des auteurs présumés? Les juges lausannois ont tranché ce mercredi en fin d’après-midi en faveur de la Camerounaise. Du moins partiellement. Mais la victoire reste belle tant la partie s’annonçait ardue compte tenu du temps écoulé: près de onze ans entre les faits et le présent procès. «Si Moussa admet la relation, il prétend qu’elle était consentie. Djibril admet, quant à lui, avoir été présent quelques minutes dans la chambre mais conteste que ce soit à des fins d’excitation, explique le président de céans Alban Ballif, Tant la version des prévenus que celle de la plaignante présente des contradictions et des incohérences.»
3 ans et 8 mois ferme
Le Tribunal criminel d’arrondissement de Lausanne retient ainsi que «Le dossier, le rapport du CHUV (ndlr. consultation gynécologique quelques heures après le viol en 2012) et le constat de fissures ainsi que de lésions sont des éléments de preuve qui viennent mettre à néant l’hypothèse que tout ait été inventé. La version de la plaignante prétendant que la relation n’était pas consentie est retenue. Moussa est dès lors reconnu coupable de viol. Sa culpabilité est très lourde». Il écope de 3 ans et 8 mois de prison ferme et devra verser à Aya une indemnité de 10 000 francs pour tort moral. Quelque 24 000 francs de frais de procédure sont également mis à sa charge.
Coaccusé acquitté
Coprévenu, Djibril est pour sa part acquitté au bénéfice du doute. Partant, l’infraction de viol en commun tombe ainsi que les actes d’ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance que le tribunal se réservait de retenir. Le jugement précise que «Les déclarations a posteriori de la plaignante sont floues et que le doute persiste quant à la présence de Djibril dans la chambre de même pour ses potentiels agissements (ndlr. il se serait masturbé). Aya a affirmé être en transe et sortie de son corps à ce moment-là et ne peut rien définir clairement. Les propos de Djibril sont hésitants et peu crédibles». L’incarcération immédiate de Moussa n’ayant pas été requise, celui-ci, furieux d’être condamné, a interpellé sa victime dans les pas perdus avant de filer: «Toi, tu fous la vie des gens en l’air».
À ce stade, l’on ignore si le Ministère public et/ou l’avocat de Moussa vont faire appel de ce verdict.
*Prénoms d’emprunt