HockeyUn derby tessinois en mode 2G? Non merci!
Habituellement disputé dans une ambiance irrespirable, le derby tessinois entre Ambri-Piotta et Lugano (1-2) a souffert de l’introduction des mesures 2G, vendredi, à la Gottardo Arena. Un peu oui, mais pas trop non plus.


Le public tessinois
DRFoot, hockey, il n’y a pas débat! Sion - Servette, Bâle - FCZ, Winterthour - Schaffhouse au foot? Gottéron - Berne, Ajoie - Bienne, Olten - Langenthal au hockey? De la rigolade! Il n’y a qu’un seul match qui attise autant les passions, qui polarise à ce point: le derby tessinois de hockey entre Ambri et Lugano… En temps normal du moins! Alors que la Ligue a décidé de passer en mode 2G, qu’en était-il des émotions? «Le Matin» est allé faire un tour en Léventine, plus précisément dans le nouvel écrin d’Ambri-Piotta, pour se faire une idée.

Le parcage luganais.
DROn va être honnête, comme aurait dit Jean-François Develey avant sa retraite… En prenant la route du Tessin dans le blizzard, on savait déjà que la Gioventù Bianco Blù (GBB), l’un des Kops ultras les plus créatifs et les plus bouillants de nos contrées, allait boycotter la rencontre en raison des nouvelles dispositions prises par la Ligue, avec l’introduction de la 2G obligatoire. «Tout le monde ou personne» avait prévenu, par banderole interposée, la Curva Sud d’Ambri, mardi, lors du match contre Langnau, quelques heures après l’annonce des nouvelles mesures prises par la Ligue. De là à véritablement boycotter le derby contre le rival, ennemi honni Lugano? Eh oui!
Deux banderoles laconiques
Pas trace de la sacro-sainte bâche à l’effigie de Geronimo, pas de capo hurlant au bord de la crise d’épilepsie et encore moins de torches ou de fumigènes. Seules deux banderoles, scotchées bas de parcage témoignaient de la passion des ultras: «Pour ces couleurs: rage et sueur», clamait la première. «Lugano m**de, point», allumait la seconde. Quelques maigres drapeaux à l’effigie du club ont flotté par intermèdes dans le virage. Un unique «deux mâts» avec le slogan évocateur «F*ck HCL», moche et de toute évidence bricolé à l’arrache…
Au niveau sonore? Seulement quelques poussées dignes d’un public britannique guindé de Premier League. A l’occasion de l’ouverture du score, bien évidemment, mais également par vagues ensuite.
Côté visiteurs? Guère mieux. Depuis quelques mois, les ultras de Lugano brillent par leur absence «pour des raisons internes» et cela se ressent. Dans le parcage (la cage, devrions-nous écrire?) alloué aux visiteurs, une sobre bâche noire estampillée d’un Lugano en lettres blanches avait pris place. Trois «deux mâts», l’un avec le logo d’Ambri-Piotta tracé, un second «Old School Lugano» et le troisième avec le logo de la GBB détourné avec une tête de porc à la place de celle de Geronimo. Toutefois, un tambour et 2-3 «capos» improvisés donnaient le rythme pour entretenir l’illusion ultra.
Le mimétisme des ados
Beaucoup de jeunesse et un certain don du mimétisme de part et d’autre. Sympa, joli, mais surtout «ultra light» pour quiconque a déjà goûté aux ambiances habituellement survoltées des derbies les plus chauds de Suisse. Certes, les «tribunards» voisins du parcage visiteurs ont eu, par intermittence, droit à la traditionnelle douche de bière offerte par les fans adverses. Mais rien de bien méchant. Tout juste un semblant de folklore. A la 34e, lorsque le virage local a entonné le «on est toujours là», il y fallait forcément se poser la question...
S’agissait-il d’un acte de défiance envers les plus irréductibles supporters léventins ou simplement d’encouragements? Les actes spontanés n’ayant pas toujours valeur de blanc-seing, difficile de se prononcer. Mais au vu de la garniture du virage local… On pencherait plutôt pour un encouragement sans aucune revendication. D’autant plus que ce chant est traditionnellement entonné lorsqu’Ambri est mené.

Les décibels ont timidement pris l’ascenseur à la 37e, lors que le top scorer luganais, Fazzini, a trébuché sur Bianchi, au sol depuis bien une seconde, et que les arbitres ont appliqué à la lettre le règlement, envoyant le Léventin sur le banc des pénalités.
Une ambiance allant crescendo
Dans le 3e tiers, alors qu’Ambri menait fébrilement d’une longueur, la Gottardo Arena s’est réveillée telle un volcan à la 44e, alors que les Biancoblù mettaient la pression devant la cage adverse. Moins d’une minute plus tard, les visiteurs avaient profité d’une erreur du gardien Ciaccio pour égaliser, on a alors pu entendre le kop luganais furtivement scander des chants de victoire. La lave léventine s’était déjà figée.
A la 49e, lorsque Heim a manqué l’immanquable devant la cage bianconera, un ange est passé. Aucune réaction ou presque du virage local, posté à l’opposé. Inconcevable en temps normal! En fin de rencontre, alors que les choses chauffaient mesurément sur la glace, les kops sont enfin sortis de leur torpeur. Et quand, à 9’24’’ de la sirène finale, Arcobello a inscrit le 1-2, les fans visiteurs ont enfin pu se laisser aller à quelques tentatives timides de chorégraphies, sous les huées manquant de conviction du virage local.
Un semblant d’émotions enfin dans les dernières secondes, lorsqu’Ambri, à 6 contre 4 essayait d’égaliser. Un inévitable «vous ne gagnez jamais» des fans luganais après la sirène et c’est tout. Au revoir m’sieurs-dames.

Et sur la glace? «La patinoire était quand même pleine et le public nous a encouragés. Il y avait une petite différence par rapport à d’habitude. On comprend la position des ultras», a glissé le gardien neuchâtelois Damiano Ciaccio, sans entrain, histoire de boucler une soirée qui n’a rien, mais alors rien eu de vraiment extravagant, de bouillant, de non maîtrisé voire de carrément surréaliste. On regrettait déjà le théâtre de la Valascia… Mais des derbies tessinois en mode 2G et sans ultras, c’est définitivement non grazie.