Wimbledon 2023: l’autre Wimbledon, là où les hooligans sont sur le terrain

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Wimbledon 2023L’autre Wimbledon, là où les hooligans sont sur le terrain

Loin du gazon taillé au millimètre du Grand Chelem de tennis, Wimbledon est aussi un club mythique de l’histoire du football anglais.

Florian Müller
par
Florian Müller - Londres
L’armoire à trophées du club.

L’armoire à trophées du club.

imago/Action Plus

C’est un pèlerinage qui ressemble à un voyage dans l’espace-temps. Une procession qui mène à l’autre Wimbledon, loin des raffinements du tennis, vers la Mecque du dirty football. Ici, à la fin des années 1980, un club terrorise toute l’Angleterre du football: AFC Wimbledon.

«Le meilleur endroit pour regarder un match de Wimbledon, c’est devant le télétexte de la BBC»

Gary Lineker

Un «Crazy Gang», comme il se surnomme lui-même, qui ressemble plus à un régiment de repris de justice qu’à une équipe de football. Des durs, des vrais, short ras la touffe et crampons aiguisés, qui pratiquent le kick and rush jusqu’à saturation. Balancer la balle loin devant, sans se poser de question, ça finira bien un jour par retomber dans le but.

Pour compenser ses lacunes technico-tactiques criardes, la troupe du sud de Londres déploie une énergie considérable sur les mollets adverses, avec une application à la tâche exemplaire et sans cesse renouvelée - plus fighting que spirit.

Un spectacle pas vraiment du goût des esthètes, qui fera dire à Max Marquis, binôme mythique de Jean-Jacques Tillmann pour les finales de la FA Cup sur feu la TSR, qu’à «Wimbledon, les hooligans sont sur le terrain». Dans la même veine, Gary Lineker déclarera un jour que le «meilleur endroit pour regarder un match de Wimbledon, c’est devant le télétexte de la BBC».

Emmenée par l’inénarrable Vinnie Jones - l’homme qui broya les testicules de Paul Gascoigne et face auquel même Roy Kean baissait les yeux - cette bande de loubards tout droit sortie d’un film de série B ira jusqu’à gagner la FA Cup en 1988. Un but à zéro, de la tête sur balle arrêtée, évidemment, face au grand Liverpool de l’époque.

C’est cette équipe qui fait toujours la fierté des habitants de Wimbledon. Surtout ceux qui vivent au nord de la ville, de l’autre côté des chemins de fer, là où les villas cossues et parfaitement entretenues cèdent leur place aux baraques en brique des prolos. Le stade mythique de Plough Lane n’existe plus, mais quelque 500 mètres plus loin des passionnés ont reconstruit un nouvel écrin, à partir de rien, pour refonder le mythe.

Une fresque sur un des murs du nouveau stade qui retrace l’histoire du AFC Wimbledon.

Une fresque sur un des murs du nouveau stade qui retrace l’histoire du AFC Wimbledon.

DR

«C’est la renaissance d’un phénix, jubile Leon, qui tient le bar du même nom que le mythique oiseau, adossé aux coursives du stade. Les anciens propriétaires ont déménagé notre club à Milton Keys, cette ville sortie de terre sans histoire. Alors on a décidé, nous les vrais gars de Wimbledon, de refonder notre blason avec ses deux aigles.»

Phénix, aigle, il faudrait savoir! Après s’être fait pigeonner, les types du coin peuvent désormais se targuer d’avoir construit un joli nid: leur club garnit les rangs de la League Two, équivalent de la quatrième division, synonyme de football professionnel en Angleterre. Le nouveau slogan du club rappelle à qui veut l’entendre l’histoire récente: «We are the fans, we are the owners».

«Mes parents se sont mariés le jour où Wimbledon a gagné la Cup.»

Leon, supporter de l’AFC Wimbledon

La fierté transpire à chaque recoin de l’enceinte. Et le succès populaire du renouveau est à la mesure des anecdotes du passé. «Mes parents se sont mariés le jour où on a gagné la Cup, se marre Leon. Pour toute la ville, battre le grand Liverpool, c’était un truc de dingue. Les jeunes, maintenant, rêvent de revivre un truc pareil.» Promis, cette fois, ils préféreront les actions de jeu léchées aux tacles à la carotide. Pour les fraises à la crème et le Pimm’s, par contre, ne comptez pas sur eux.

Dans leur pub, les fanatiques de l’AFC Wimbledon ont créé une bière en l’honneur de leurs glorieux aînés. Son nom? Crazy Gang! «Je vous en aurais bien proposé une pinte, mais elle est en rupture de stock.» Dommage, on serait bien resté quelques instants de plus dans cette dimension parallèle.

La Crazy Gang, une pale ale qu’on n’aura pas eu l’occasion de goûter. «C’est la meilleure bière jamais brassée, jure le barman. C’est pour ça qu’elle est en rupture de stock.»

La Crazy Gang, une pale ale qu’on n’aura pas eu l’occasion de goûter. «C’est la meilleure bière jamais brassée, jure le barman. C’est pour ça qu’elle est en rupture de stock.»

DR

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