Protection de la natureBiodiversité des idées: florilège des débats
Le Conseil national se montre sous un jour favorable pour améliorer la biodiversité en Suisse. De l’alarmisme le plus sombre et au déni le plus simple, le spectre des opinions est large.


Plus de cinquante orateurs se sont exprimés sur la biodiversité.
lematin.chLe Conseil national a accepté mardi l’entrée en matière sur le contre-projet indirect à l’initiative sur la biodiversité par 106 voix contre 78. L’UDC, une majorité du Centre et une minorité du PLR étaient contre. C’est un succès pour la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, car le projet est tout de même fortement teinté de vert. Il s’agit d’augmenter de 1500 km² les surfaces dévolues à la biodiversité, notamment en créant des infrastructures écologiques pour relier les aires de protection. Les opposants estiment que cela se fera au détriment de l’agriculture ou du développement des énergies renouvelables.
Plus de cinquante conseillers nationaux se sont exprimés sur le sujet. C’est l’occasion de proposer un petit florilège des débats sous forme de citations.
Toujours la Suisse ?
«Si nous continuons dans la direction actuelle sans changements, dans 15 ou 30 ans, les Suisses ne reconnaîtront plus leur propre pays. Sans biodiversité, sans glaciers, sans les espèces auxquelles nous sommes habitués, serons-nous toujours la Suisse?» Delphine Klopfenstein Broggini (V/GE).
Quatre ans à vivre sans les abeilles
«Un chiffre circule selon lequel, si les abeilles venaient à disparaître, l’être humain n’aurait que quatre ans à vivre sur terre, car, comme tout le monde le sait, les abeilles sont responsables de 80 pour cent de la reproduction végétale. A-t-on envie de vérifier si ce chiffre est correct?» Raphaël Mahaim (Verts/VD).
L’importance des «crapauducs»
«Les aires centrales sont complétées par des aires de mise en réseau, dont le but est de permettre aux espèces de se déplacer librement pour se nourrir, pour se reproduire ou pour coloniser de nouveaux milieux. Font partie de ces aires: les cours d’eau proches de l’état naturel, les lisières de forêt, les espaces verts à grande valeur écologique situés le long des infrastructures de transport, ainsi que les passages à faune et les crapauducs». Christophe Clivaz (V/VS).
L’homme de la nature
«Me voyez-vous venir devant vous et vous annoncer que je combats la biodiversité? Ce serait un suicide, le reniement de mes convictions, ce serait renoncer à tout ce qui a fait ma vie professionnelle. (…)Vouloir enfermer la biodiversité dans un carcan de mesures administratives et chicanières, c’est tuer à petit feu la biodiversité. Et cela, moi, homme de la nature, je ne le veux pas». Pierre-André Page (UDC/FR).
Du temps au temps
«Je déclare mes intérêts comme président de l’association suisse pour la petite hydraulique, qui promeut une énergie renouvelable, propre, indigène, flexible et qui respecte la biodiversité. (…) On nous force à la précipitation en rajoutant à l’urgence climatique celle de la biodiversité. Le problème est que l’inertie de la nature ralentit les effets attendus et nous oblige, on peut le dire, à laisser du temps au temps». Benjamin Roduit (C/VS)
La surface du canton de Lucerne
«Il n’est pas nécessaire de lire dans une boule de cristal pour prévoir qu’une extension des aires de protection entraînerait des conflits d’intérêts avec l’agriculture, le tourisme et l’approvisionnement en énergie. La question des aires protégées est au cœur de nos discussions. Aujourd’hui, elles représentent 13,4 pour cent du territoire national. Le contre-projet prévoit de les étendre à 17 pour cent. Cela correspond à 1500 kilomètres carrés, soit la surface du canton de Lucerne». Christine Bulliard-Marbach (C/FR)
Sixième extinction du vivant
«Nous assistons en direct à la sixième extinction de masse du vivant. (…) Le rythme de disparition des espèces est de plusieurs centaines, voire de plusieurs milliers de fois supérieures au taux naturel d’extinction, alors que les espèces sauvages ne représentent plus que 4 pour cent des espèces sur terre, l’humanité et les espèces domestiques en constituant le 96 pour cent». Valentine Python (V/VD).
500 milliards de récoltes agricoles menacées
«Plus que tout, c’est notre alimentation qui dépend des ressources naturelles, de la fertilité des sols, du travail des pollinisateurs et autres auxiliaires qui sont les alliés des familles paysannes. Les experts nous indiquent que l’on a déjà perdu un quart de la fertilité des sols à l’échelle mondiale et que plus de 500 milliards de récoltes agricoles sont menacées par le déclin des pollinisateurs». Isabelle Pasquier-Eichenberger (V/GE).
L’enfant et le renard
«Nos petits-enfants devront-ils aller au zoo pour voir à quoi ressemble un renard? (…)Je terminerai en rappelant que nous tous pouvons maintenant déjà contribuer à la sauvegarde de la biodiversité en étant des «consom’acteurs». Car on ne le répétera jamais assez, mais nous votons tous les jours avec notre porte-monnaie quand nous allons faire les courses». Céline Weber (VL/VD)
35% d’espèces menacées
«La biodiversité n’est pas une mode, comme le disait un collègue. La biodiversité est en crise en Suisse autant qu’ailleurs sur la planète. À ce jour, plus de 50 000 espèces ont été répertoriées en Suisse. En moyenne - les chiffres varient d’un groupe à l’autre – 35 pour cent d’entre elles sont menacées d’extinction». Fabien Fivaz (V/NE)
Des lois pour l’être humain
«La population a d’autres problèmes qu’une crise de la biodiversité qui n’existe pas. (…) Essayons enfin de faire des lois pour l’être humain, d’autant plus que l’être humain fait aussi partie de la biodiversité. Il a le droit d’être actif dans la nature». Michael Graber (UDC/VS)
L’argument massue du porte-monnaie
«Ne rien faire pourrait nous coûter cher. La conférence des directeurs du bâtiment, de l’urbanisme et de l’environnement écrit même que la perte de biodiversité et les coûts associés sont estimés à 14 milliards de francs en 2050». Martina Munz (PS/SH)
Réciprocité
«L’agriculture joue un rôle très important pour la biodiversité, et la biodiversité est tout aussi importante pour l’agriculture». Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale.