Affaire du procureur général: Députés attaqués en Valais: «C’est fort et accablant»

Publié

Affaire du procureur généralDéputés attaqués en Valais: «C’est fort et accablant»

Présidente du Grand Conseil, Géraldine Arlettaz-Monnet et son bureau font face à une charge inédite du préposé à la transparence. 

Evelyne Emeri
par
Evelyne Emeri
Le 5 mai 2021, la PLR Géraldine Arlettaz-Monnet était première vice-présidente du parlement valaisan au moment de la réélection controversée du patron du Ministère public Nicolas Dubuis.

Le 5 mai 2021, la PLR Géraldine Arlettaz-Monnet était première vice-présidente du parlement valaisan au moment de la réélection controversée du patron du Ministère public Nicolas Dubuis. 

Parlement valaisan – lematin.ch/Isabelle Favre

Répondre aux sept recommandations du préposé à la protection des données et à la transparence du canton du Valais, Me Sébastien Fanti, c’est le dossier qui est sur le haut de la pile de la présidente du Grand Conseil (GC), Géraldine Arlettaz-Monnet. Jeudi 29 décembre, deux jours avant la fin de son mandat de préposé, l’avocat valaisan rendait son verdict qui attaque frontalement les députés, le bureau du GC et le Conseil d’État.

Contré par un seul élu

«Des recommandations», comme l’on dit dans le jargon, en rapport avec la reconduction de Nicolas Dubuis à son poste de procureur général le 5 mai 2021: une élection intervenue à huis clos sous pression, sans raison, sans explication, loin d’un Règlement du législatif cantonal pourtant sans équivoque. Et surtout un secret des débats soumis au vote à l’initiative du bureau du GC et accepté à une courte majorité par les parlementaires. Un seul élu avait marqué son opposition avant le vote du huis clos, excluant la présence du public et des journalistes: Aron Pfammatter (PDC/Haut-Valais), membre du bureau du Grand Conseil…

Modifier la loi

Une affaire d’État qui s’apparente à de la censure pour Me Fanti: «Nous sommes en présence d’un dangereux précédent en termes de violations des normes démocratiques fondamentales. En clair, les députés, par leur vote, ont spolié les Valaisannes et les Valaisans de leur droit d’assister au processus de nomination de la personne qui conduit la politique pénale et criminelle les concernant». Les quinze pages de son mémoire sont non seulement écrasantes, mais vont jusqu’à demander une modification de la loi s’agissant du prononcé d’un huis clos au sens de la loi sur l’information, la protection des données et l’archivage (LIPDA).  

«La situation n’est pas courante. J’ai demandé qu’une séance soit agendée»

Géraldine Arlettaz-Monnet, présidente du Grand Conseil

Les allégations soutenues du préposé à la transparence sont désormais en mains des treize membres du bureau du Grand Conseil, nous confirme la première citoyenne du canton depuis le 13 mai 2022, qui les a reçues en primeur conjointement avec Nicolas Sierro, chef du Service parlementaire. La politicienne PLR de Martigny – première vice-présidente au moment du huis clos qui a fait surchauffer tout un canton – ne cache pas que «la situation n’est pas courante». En réalité, elle est inédite. Un commentaire sur ces recommandations impitoyables? «Oui, c’est fort et accablant».

Bureau à huis clos

Géraldine Arlettaz-Monnet, 46 ans, ne peut être qu’empruntée. Non pas qu’elle ne souhaite pas répondre à nos interrogations, elle est tout simplement coincée. «Le bureau siégera à huis clos», nous dit-elle. Et l’élue de préciser: «J’ai lu ces quinze pages. J’ai demandé qu’une séance soit agendée (ndlr. a priori après la mi-janvier) afin de traiter ce dossier en séance ordinaire. Je ne peux pas me positionner. J’ai un devoir de collégialité et de réserve. Je ne peux rien dire avant d’en avoir discuté avec les autres membres du bureau, avant qu’une décision ne soit prise. Il y a un règlement, je le respecte».

«Un recours est possible»

Ce n’est pas le signataire de ce document piquant qui recevra la décision du bureau du parlement. Sébastien Fanti n’est plus le préposé valaisan à la transparence depuis le 31 décembre. C’est son successeur, l’avocat lausannois Me Lauris Loat, qui la réceptionnera. «C’est une modification de la loi qui est demandée, ce n’est pas rien. Selon le processus normal, nous devrons déposer une motion qui sera votée par le Grand Conseil (GC). Tout cela n’est qu’hypothèse. Personne ne sait si nous allons accepter toutes les recommandations. Ou seulement une partie. Ce qui signifie qu’un recours est possible et que le Conseil d’État pourrait être saisi», ajoute la présidente du GC avec lucidité. 

Rude premier dossier

Effectivement, selon l’art. 37 (al. 1, let. d) de la loi sur l’information LIPDA, «Le préposé recommande à l’organe compétent de modifier ou de cesser le traitement s’il apparaît que des prescriptions sur la protection des données ont été violées et peut porter l’affaire pour décision devant le Conseil d’État lorsque la recommandation est rejetée ou n’est pas suivie». Autant dire que la tâche du remplaçant de Me Fanti relèvera du funambulisme. Ceci d’autant plus que Me Loat – qui œuvrera depuis Monthey (Bas-Valais) et non pas depuis Sion (Valais central) – devra gérer la prise de position du Grand Conseil concernant un brûlot dont il n’est pas l’émetteur.

Ton opinion

320
0
32