Qatar 2022C’est en étant rationnelle que l’Argentine a dépassé l’irrationnel
La finale de la Coupe du monde aurait pu leur échapper, mais l’Albiceleste et Lionel Messi ont eu le mérite de chercher à maîtriser un match que la France, malgré Mbappé, a subi.


Un seul match, mais plusieurs légendes. Celle du football, forcément, avec ce qui sera peut-être la plus belle des finales de Coupe du monde. Celle de l’Argentine qui, en battant la France aux tirs au but après ce 3-3 au terme des prolongations, remporte son troisième Mondial, le premier depuis celui remporté par Diego Maradona en 1986. Et puis celle de Lionel Messi, qui a désormais tout gagné ce qu’il pouvait gagner.

Pour l’histoire.
AFPLa Pulga a attendu ses 35 ans pour y parvenir, mais c’est peut-être plus mythique ainsi. Tout le monde s’en souviendra. Et surtout côté français, où l’on peut être fier d’avoir participé de cette histoire, même si cela est sorti d’un petit peu nulle part.
Les trois enseignements
Peut-être faut-il se passer de prendre du recul et éviter les comparaisons. Un jour, on fera bien sûr des classements pour s’occuper et on placera ce match-là assez haut dans les moments les plus légendaires de l’histoire du football. Par sa dramaturgie et son dénouement, cette finale de la Coupe du monde 2022 a été vectrice d’émotions et son issue est presque accessoire pour la raconter. Les annales de ce sport s’en souviendront.
Reste qu’il y a un vainqueur, et il se résume notamment à Lionel Messi, présent dans tous les bons coups. Mais l’Argentine tire le mérite de son troisième titre mondial aussi et surtout parce qu’elle était celle qui a mis un maximum d’ingrédients d’entrée pour tenter de parvenir à ses fins. Elle a pu tout perdre, mais elle a au final tout gagné parce qu’avant que le match ne perde pied, la sélection de Lionel Scaloni avait fait ce qu’il fallait faire pour optimiser ses chances de le remporter.
Côté français, le sélectionneur ne peut pas en dire autant. Cette défaite en finale est celle de Didier Deschamps: sa préparation de match a semblé négligée, ses changements se sont avérés fructueux plus par le talent de ses joueurs que par une réflexion très poussée. Et son désintérêt pour préparer au mieux les séances de tirs au but ont contribué à ce que le match lui échappe. Même si Kylian Mbappé et Randal Kolo Muani avaient presque tout fait pour qu’il en tire une nouvelle gloire.
Le meilleur: Kylian Mbappé

Si la France avait fini par être sacrée championne du monde, cela aurait été en premier lieu la victoire de Kylian Mbappé. C’est lui qui a porté tous les espoirs. On pourra toujours considérer qu’inscrire deux de ses trois buts sur penalty est plus simple, mais ce serait négliger la tension inhérente au rendez-vous d’une finale de Coupe du monde et qui plus est de cette finale en particulier.
On ne marque pas trois buts en finale d’un Mondial (pour un total de huit) en étant quelconque. Surtout pas. Et même s’il l’a été durant une bonne septantaine de minutes, à l’image d’une équipe de France incapable de produire du jeu et même de tirer au but. Et puis, sur l’heure qui a resté, temps additionnels compris, Mbappé a retrouvé sa dimension, refait peur sur chacune de ses prises de balle et marqué un but qui n’aurait pas existé avec un joueur normal. Parce qu’un joueur normal n’aurait jamais tenté une reprise de volée à cet endroit-là, sachant qu’il y avait encore un contrôle à réaliser et cinq mètres au moins pour avancer.
Mbappé était le meilleur dimanche. Mais il n’était pas dans la bonne équipe.
L’autre meilleur: Lionel Messi

Un grand rendez-vous n’a jamais totalement la même saveur sans qu’un grand joueur ne s’y pointe. Pour tout dire, si Lionel Messi était passé à côté de son rencard avec l’histoire, il y aurait eu une forme de déception, même si l’Argentine l’avait également emporté. Pas besoin d’y penser trop longtemps, l’ancien gamin de Rosario est désormais l’homme d’un peuple qui n’a longtemps pas su comment l’aimer.
Messi avait rêvé l’instant, mais cela ne l’a donc pas empêché de le jouer. Sans le surjouer. Même quand il s’est parfois mis à défendre, surtout en fin de première période. Et puis, le reste du temps, il a principalement cultivé sa discrétion pour se mettre à en sortir le plus régulièrement possible. Pour inscrire le penalty du 1-0, pour accélérer la transition du 2-0, pour solliciter Hugo Lloris, pour marquer le 3-2 après un renvoi de ce dernier, pour marquer son tir au but. Et puis, surtout, pour lever la Coupe du monde. Voilà, Messi a tout gagné.
Le moins bon: Antoine Griezmann

C’est parce qu’on l’attendait qu’il y a une déception. Mais disons qu’Antoine Griezmann pourrait embarquer dans sa déroute Dembélé ou Giroud, par exemple. Mais celui qui était sans doute le Français le plus régulier du tournoi jusque-là s’est retrouvé dans une situation qui a semblé moins lui correspondre que lors des derniers matches: organiser avec le ballon la révolte française, une fois mené au score.
Élément de collectif par nature, Griezmann n’a pas trouvé la solution. Et c’est quand il est sorti, sans que ce ne soit forcément corrélé, que la France s’est retrouvée à plonger le match dans l’irrationnel.
La décla’
«Avec mon staff, on savait clairement comment devait jouer cette équipe. Dès 2019, on a compris avec quels joueurs Messi pouvait se sentir bien sur le terrain et aussi quels joueurs pouvaient se sentir à l’aise avec lui.»
Le fait tactique
Après de tels matches, il est parfois compliqué d’avoir une analyse rationnelle. D’ailleurs, y a-t-il une once de rationalité dans le football qui a été joué après l’égalisation à 2-2 de Kylian Mbappé? L’organisation sert toujours de référence, mais elle n’est jamais aussi rigide quand tout semble devoir être réalisé dans l’urgence.
C’est en fait la préparation de match qui doit être étudiée et à laquelle il faut s’intéresser. Côté français, elle a été fidèle à ce qui a été produit depuis le début du tournoi, avec un 4-3-3 qui se déstructure en 4-4-2 en phase défensive pour exempter Mbappé d’un travail défensif. L’asymétrie est un choix, qui peut souvent être raisonné.
D’ailleurs, il a aussi été celui de Lionel Scaloni, avec une approche qu’il n’avait pas utilisé jusque-là. Là aussi, le 4-4-2 ne poursuivait pas les mêmes intentions d’un côté et de l’autre du terrain. À droite, il y avait une réflexion sans ballon: gérer Mbappé et ses éventuelles rentrées vers l’axe. Avec Rodrigo De Paul en troisième milieu axial, mais légèrement excentré côté droit, il y avait une forme d’équilibre.
Et puis, à gauche, il devait permettre à Angel Di Maria de donner un maximum de largeur au jeu. Organisé pour compenser à l’opposé, le bloc défensif français a eu beaucoup plus de mal à s’adapter de ce côté-ci, où Ousmane Dembélé avait beau défendre, il n’avait pas pour vocation à suivre à la trace Di Maria. Alors que Jules Koundé était attiré à l’intérieur par les menaces venues de Julian Alvarez et Alexis Mac Allister.
De quoi offrir des boulevards à Di Maria. Qui en a profité pour obtenir un penalty après avoir éliminé Dembélé et inscrire le 2-0 en venant de l’extérieur pour plonger vers l’intérieur sur une transition. Le plan était parfait.
La statistique
68, comme le nombre de minutes disputées après le coup d’envoi sans que la France ne tire au but. La première situation est venue d’une tête sans danger de Randal Kolo Muani sur un corner.
La question sans réponse

Lionel Messi est-il le meilleur joueur de l’histoire?