Brésil – Une start-up rompt l’isolement des favelas

Publié

BrésilUne start-up rompt l’isolement des favelas

Les livreurs de Favela Brasil Xpress arpentent les rues d’un quartier populaire de São Paulo non desservi par les sociétés traditionnelles.

Un employé de la compagnie Favela Brasil Express à São Paulo. (Photo by Felipe ARAUJO / AFP)

Un employé de la compagnie Favela Brasil Express à São Paulo. (Photo by Felipe ARAUJO / AFP)

AFP

En tapant des mains ou en criant à la porte des destinataires des colis, les salariés de Favela Brasil Xpress s’activent dans les ruelles de Paraisopolis. «On veut faire tomber les murs invisibles qui séparent les favelas du tissu urbain», explique Givanildo Pereira, 21 ans, fondateur de cette start-up. Paraisopolis, favela de 100 000 habitants, est le deuxième quartier le plus peuplé de São Paulo, plus grande mégalopole d’Amérique latine.

Situé dans le sud-ouest de la capitale économique du Brésil, à proximité de quartiers chics comme le Morumbi, il n’était pourtant pas desservi par les services de livraison à domicile, qui disent craindre des problèmes d’insécurité. «Nous voulons répondre à une demande réprimée par le blocage des codes postaux de cette zone considérée à risque» par les grandes entreprises de livraison, explique Givalnildo Pereira, qui vit à Paraisopolis depuis l’enfance. «On rend la dignité à des personnes qui ont le droit de recevoir leurs colis comme tout autre membre de notre société», insiste-t-il. Un besoin d’autant plus crucial que les achats en ligne, dans les favelas comme ailleurs, sont très prisés en raison de la pandémie de coronavirus.

Nouvelles frontières

Favela Brasil Xpress a débuté ses opérations en avril. Le concept est simple: la start-up prend les relais des autres entreprises de livraison en collectant leurs colis dans un centre de distribution situé à une entrée de la favela, avant de les redistribuer aux habitants du quartier.

Pour se repérer dans ce méandre de ruelles à la numération hasardeuse, les livreurs utilisent une carte conçue par un réseau associatif pour identifier les besoins de chaque ruelle et organiser les dons d’aliments au plus fort de la crise du Covid-19.

Et Givalnildo Pereira a mis un point d’honneur à embaucher des habitants de la favela, mettant à profit leur connaissance des lieux et «offrant des opportunités aux chômeurs».

Un de ses employés, Imael Silva Maia, 28 ans, est chargé d’organiser les envois depuis le centre de distribution, où sont empilés les colis d’électroménagers ou de jouets pour enfants.

«Je suis tatoueur et il y a beaucoup moins de travail à cause de la pandémie. Ici, je fais un peu de tout, je trie les colis et parfois je fais aussi des livraisons», raconte-t-il.

La start-up affiche déjà des résultats significatifs, avec un chiffre d’affaires d’environ 200 000 réais par mois (environ 32 500 fr.), avec 1800 livraisons quotidiennes en moyenne.

Elle compte 300 collaborateurs, entre employés directs et livreurs indépendants.

Ses services ne se limitent plus à Paraisopolis: Favela Brasil Xpress livre aussi dans six autres quartiers populaires, dont Rocinha, la plus grande favela de Rio de Janeiro.

Son mode de financement est également novateur: c’est la première entreprise brésilienne issue d’une favela à avoir recours à l’Equity crowdfunding, un modèle d’investissement participatif.

Acceptant des contributions modestes à partir de 10 réais (environ 1,60 fr.), elle reverse à ses investisseurs un pourcentage de ses bénéfices, comme des dividendes d’actionnaires.

Elle espère à présent lever 1,3 million de réais (environ 210 000 fr.) pour atteindre 50 favelas et 1500 collaborateurs d’ici 2023.

Bourse des favelas

Le potentiel est énorme: le Brésil compte quelque 13 000 favelas, qui font tourner l’économie à hauteur de 26 milliards d’euros par an, selon l’ONG G10.

Le mode de financement participatif de Favela Brasil Xpress peut s’assimiler à une introduction en bourse, mais en dehors du circuit conventionnel.

Les contributions sont versées via une plateforme numérique, DIVIhub, qui a mené une étude de marché au préalable.

Mais pour créer une bourse alternative des favelas en bonne et due forme, il faut encore l’accord de la CVM (Comissão de Valores Mobiliários), explique Ricardo Wendel, directeur exécutif de DIVIhub.

Givalnildo Pereira espère à terme que son entreprise soit la première issue d’une favela à devenir une «licorne», terme qui désigne les start-up valorisées à plus d’un milliard de dollars.

(AFP)

Ton opinion