JO 2022Commentaire: Presque l’impression d’avoir gagné un truc
Quand on est journaliste aux Jeux olympiques, on se prend vite aux Jeux. Et on peut presque se prendre pour un champion.


Je ne connaissais pas ce sentiment. Ce sont les deuxièmes Jeux d'hiver que je suis, après la Russie en 2014, et je n'avais jamais eu la chance de couvrir une médaille suisse. Finalement, après m'être pris pour un chat noir pendant quelques jours, j'en ai vécu deux en quelques jours d'intervalle - le bronze de Jan Scherrer et la médaille d'or de Mathilde Gremaud - dans des sports où je ne comprends quasiment rien à ce qu'il se passe et j'ai eu des frissons quand même. Pas comme si j'avais gagné un truc, mais pas loin.
Les JO d'hiver, c'est spécial pour tous les Suisses. Et quand tu es journaliste, y aller donne l'impression d'être limite «sélectionné». Et tant pis s’ils se déroulent dans une bulle sanitaire. De toute façon, avec les athlètes à suivre, les articles à écrire, les vidéos débiles à faire, les déplacement en bus à comprendre, les après-skis à assurer et les nuits passées à essayer de récupérer et se réchauffer, je ne vois pas bien où j'aurais pu aller m'aventurer.
Trouille de l’ambulance
On aurait pu voir un peu les «vrais gens» en Chine, mais même ça je n'y crois pas. À Sotchi, il y a huit ans, on était aussi dans une bulle, mais le Covid n’existait pas. Seuls les masques sont venus s'ajouter à la panoplie, finalement. La barrière de la langue dans des pays comme la Russie, la Corée du Sud ou la Chine est telle que c'est un peu comme si on me lâchait dans un bistrot de Nidwald ou d'Appenzell Rhodes-Intérieures. Heureusement qu'on a les mains pour se faire comprendre et qu'il y a des photos sur le menu. Mais je m'égare.
Mardi, donc, après être resté coincé dans un bus sans raison apparente pendant deux heures - Tcheu la trouille de voir débarquer une ambulance et de se faire enfermer des jours après le test PCR du matin, je suis arrivé à la bourre au bas de la piste de slopestyle pour y voir Mathilde Gremaud gagner. Je me suis glissé au milieu des personnes des encadrements divers et des sportifs en mode spectateurs pour suivre la compétition.
Fair-play chinois
Un gros «Yes» après le succès de la Fribourgeoise et les gens autour de moi commencent à me féliciter, en voyant une petit croix suisse qui traînait sur mon accoutrement du jour. En salle de presse, certains bénévoles me congratulent, fair-play, malgré la deuxième place de leur chouchoute Eileen Gu. Plus tard, ce sont quelques messages qui arrivent sur mon téléphone dit intelligent pour me dire «bravo, super», je ne sais pas trop pourquoi. Sur les réseaux sociaux, on est forcément flattés par les volées de likes (qu'on était forcément allés chercher, mais c'est un autre débat).
Au bout d'un moment, fier comme Artaban* sans raison autre que le patriotisme, on finit par se dire qu'on a gagné un truc.
Pourtant, souvent, les sportifs qui nous permettent de briller en société, on ne les connaît que de loin. Mathilde Gremaud, j'ai dû la voir rider cinq fois, l'avoir eue au bout du fil trois fois pour un papier et je l'avais filmée à une reprise par Zoom pendant la pandémie, après qu'elle avait plaqué un incroyable switch double cork 1440 aux X-Games en janvier de l'année passée.
On a juste la chance d'être là au bon moment, une fois tous les quatre ans, et ça nous fait un bien fou à l'ego. Surtout quand on voit comment les journalistes sont devenus des cibles ces dernières années. Alors oui, ça fait du bien, même si on n'y est finalement pas pour grand-chose.
Et là, je ne vous dis pas comme j’étais le roi du monde cet été après Suisse-France.
*Pour que vous ayez tout de même appris quelque chose à la suite de ce papier, sachez qu'Artaban est le nom donné à différents rois de la Parthie de la dynastie des Arsacides. La Parthie est une région historique (190 avant JC à 224 après JC) située au nord-est du plateau iranien. Artaban est aussi le héros de «Cléopâtre», le roman en 13 volumes de Gautier de Costes de La Calprenède. Un recueil publié de 1647 à 1658. Voilà.