Critique cinémaNouveau Spielberg: la jeunesse d’un Fabelman en cache une autre
Avec «The Fabelmans» , Steven Spielberg offre un film au fumet autobiographique. Il nous a fallu deux essais pour qu’il soit marqué. En salles ce mercredi.


Sammy Fabelman (Gabriel LaBelle), Mitzi Fabelman (Michelle Williams), Burt Fabelman (Paul Dano), Natalie Fabelman (Keeley Karsten), Reggie Fabelman (Julia Butters) and Lisa Fabelman (Sophia Kopera). Parvenue en Californie, la famille découvre sans joie un logement tampon.
Universal PicturesLe film le plus autobiographique de Steven Spielberg commence dans le New Jersey, en janvier 1952. Les parents du jeune Sammy Fabelman s’apprêtent à offrir au gamin sa première grande sortie au cinéma. Là, dans l’immense salle est projeté «Sous le plus grand chapiteau du monde» de Cecil B. De Mille, indéniablement le film le plus spectaculaire de l’année. Sam est un craintif, il doit être convaincu que ses peurs sont infondées.
Papa (Paul Dano) a l’esprit scientifique, il lui explique pédagogiquement la mécanique du motion picture à 24 images par seconde. Maman (Michelle Williams) à l’esprit créatif, affirme que «les films sont des rêves que tu n’oublies jamais». Ainsi combinés, leurs arguments portent. Le trio peut entrer dans un temple qui marquera à jamais celui qui, plus tard, consacrera sa vie à raconter des histoires, toujours filmées et montées avec la hardiesse d’un cinéaste parmi les plus virtuoses de sa génération.
D’abord chafouin
Au terme des 2 h 30 de chronique d’une jeunesse, on est ressorti de la projection d’abord l’esprit chafouin, voire chiffonné. «D’accord tonton Spielberg, tu restes en grande forme du haut de tes 75 ans, susurrait-on en notre for intérieur, mais ton histoire d’accident fondateur de train de cirque, de chronique banlieusarde aux États-Unis, du divorce de tes parents, de la naissance de ta passion, de tes premiers émois amoureux et de tes brillantes techniques de survie face à un antisémitisme larvé ou déclaré, cela nous en touche une sans faire bouger l’autre, pensait-on. D’abord parce qu’on n’a pas gardé les moutons ensemble et ensuite parce que tes tours de magie postérieurs paraissent désormais plus fades, maintenant que tu en as dévoilé les fondations».
On avait tort. Il a fallu une seconde vision pour nous en persuader. Il s’agissait d’abord de comprendre pourquoi nous avions refusé de céder à l’émotion, alors que le cinéaste a rarement été aussi subtil en un jardin que Spielberg avait parfois très lourdement cultivé pas le passé: on pense à la fin d’«E.T.», à l’entier d’«Always», à un sketch dégoulinant de sucre de «La quatrième dimension». Comprendre aussi pourquoi nous n’acceptions pas que sa chronique d’une jeunesse puisse paraître… quotidienne. On devait enfin tolérer le fait que le film doive s’arrêter juste avant le début de la carrière du cinéaste, pour ainsi dire devant la porte d’un studio.
Élément déclencheur
Mais le moment clé, celui qui a tout déclenché, est tout bêtement la dernière séquence. Celle qui offre à David Lynch (le cinéaste d’«Elephant Man», de «Blue Velvet» et de «Mulholland Drive») un rôle réjouissant. On ne divulgâchera rien en affirmant que le dernier mouvement d’appareil qui conclut cette séquence, juste avant les crédits, a été celui qui nous a convaincu de changer de perspective.
Voici comment «The Fabelmans» nous a finalement émus, séduits et finalement emportés.