FootballLa Suisse apprend encore à dominer
Contre la Roumanie lundi, la prestation de l’équipe nationale était bonne. Mais il aurait fallu tuer le match, pour éviter ce 2-2 gênant.


Ricardo Rodriguez stupéfait, Granit Xhaka la tête basse, Murat Yakin le regard vide: un tel match nul a le goût d’une défaite.
FreshfocusCe sont deux ou trois minutes qui changent une lecture. Avant, la Suisse menait 2-0. Après, elle avait l’impression d’avoir tout perdu. Parce que lorsqu’on laisse filer un double avantage dans les arrêts de jeu, il n’y a plus grand-chose qui réconforte.
Même si, pour cette équipe nationale, il faut noter que l’accident est arrivé dans un groupe qui les tolère. C’est le premier et il pourrait y en avoir un deuxième, voire un troisième, que cela pourrait ne rien changer à la qualification pour l’Euro 2024 qui lui est promise. Alors il faut accepter, encaisser, chercher à comprendre et puis en tirer les leçons pour la suite.
Les trois enseignements
Ce groupe de qualification a un mérite: l’erreur peut arriver. Elle est difficilement acceptable, mais hautement pardonnable. Et celle de lundi soir est révélatrice: l’équipe de Suisse ne sait pas encore parfaitement dominer les matches, sous tous leurs aspects. Elle les maîtrise, parce qu’elle joue des adversaires plus faibles. Elle se crée aussi passablement de situations. Mais ce mois de juin a démontré que ce n’est pas pour autant qu’elle enquille les buts. Lundi, il en a manqué.
Ce n’est pas le moment de reprocher beaucoup de choses technico-tactiques à cette sélection. Il faut prendre en compte d’autres composantes de la performance. Entre le déplacement à Andorre et cette réception de la Roumanie, il y a un dénominateur commun: la Suisse a fait preuve d’un soupçon de négligence dans ce mois de juin, voire un excès de confiance. Ce sont des gestes qui le disent. Des attitudes aussi, comme certaines manières de défendre. Gênant, d’un côté. Et puis, de l’autre, un petit peu humain vu la configuration du groupe de qualification et le départ en vacances qui approchait.
Il n’est jamais évident pour une sélection de trouver une alchimie collective totale. Trop peu de rendez-vous, d’occasions de soigner les automatismes. Alors parfois, il faut se contenter de certaines affinités. Et il y a peut-être une association qui est en train de se dessiner entre Xherdan Shaqiri et Zeki Amdouni. Le deuxième a prouvé savoir faire fructifier les passes du premier. Cela pourra servir à l’avenir.
Le meilleur: Zeki Amdouni

Cela ne s’arrêtera donc pas tout de suite. Quand on a mis 23 buts en 2023, on peut vite monter à 24 et encore plus rapidement atteindre les 25. On attendra la suite avec l’Euro M21 dès jeudi, mais Zeki Amdouni a assez clairement fait comprendre qu’il ne se fixait pas de limite pour l’instant. C’est simple: il marque à chaque match, et c’est encore plus vrai lorsqu’il porte le maillot suisse.
Contrairement au déplacement andorran de vendredi, il a touché beaucoup plus de ballons cette fois-ci. Surtout, il s’est créé bien plus d’occasions: quatre, voire cinq intéressantes. On pourrait lui reprocher un manque de réalisme, mais au moment où il avait inscrit son doublé, il lui était difficile de faire mieux. D’une certaine manière, la Suisse est en train de se trouver un buteur pour les années à venir.
Le moins bon: Manuel Akanji

S’il fallait un symbole à la négligence et à la légèreté, le voilà tout trouvé. On peut aisément comprendre et accepter que Manuel Akanji avait vécu beaucoup trop de choses extraordinaires cette saison avec Manchester City pour que ces derniers matches un peu moins importants ne comptent pas autant pour lui que les précédents.
Mais peut-être que cette fois, cela s’est un petit peu trop vu. Parce que très rapidement, on a compris que courir vers l’arrière derrière un adversaire l’embêtait franchement. Jouer des duels aussi. Et sur le but de l’égalisation, tout cela est éloquent.
La décla’
«Notre performance contre la Roumanie était trois niveaux au-dessus de celle en Andorre. Nous avons fait un super match. C’est vraiment dommage»
Le fait tactique: quand l’axe est délaissé
Sur la route de l’Euro 2024, il y a une tendance tactique que veut suivre l’équipe de Suisse. On ne sait pas si elle en fera un principe identitaire en Allemagne dans un an (ce serait bête de l’oublier une fois la grande compétition arrivée, tout de même), mais depuis le début d’année, elle ne se fie plus qu’à celui-ci: la densité sur les côtés.
Il faut voir cela comme un moyen de faire fonctionner l’animation qu’elle s’est choisie. L’option est intelligente: la plupart des adversaires de la Suisse dans cette campagne défendent bas et bloquent l’axe. Alors Murat Yakin demande à son équipe de faire voyager le ballon d’un côté à l’autre du terrain, en mobilisant à chaque fois ou presque trois ou quatre joueurs sur l’aile. Si ce n’est plus. Cela marche très bien à gauche, où les mouvements sont coordonnés et de moins en moins prévisibles. À droite, cela dépend plus des inspirations de Xherdan Shaqiri.
Sauf que la Roumanie s’est tout de même un petit peu adaptée avec cette défense à cinq qui avait surtout pour ambition de renforcer les côtés, en oubliant le moins possible l’axe du terrain. Cela n’a pas toujours marché, mais l’idée d’Edward Iordanescu était judicieuse.
Mais cela pose tout de même une question: faut-il vraiment renoncer au couloir intérieur? Parce que l’avantage de cette animation est qu’elle fixe relativement bien l’adversaire sur un côté, lequel a en même temps tendance à perdre de la compacité axiale (à condition de n’être pas aussi replié et regroupé qu’Andorre). Et en faisant circuler rapidement le ballon, il y a sans doute des déséquilibres à exploiter à l’intérieur.
Lundi, l’une ou l’autre fois, Denis Zakaria en a profité en tentant des percées qui n’ont été arrêtées qu’au dernier moment. Zeki Amdouni a lui multiplié les appels dans le dos des défenseurs centraux sans être jamais servi ou presque. Alors, miser sur une option, c’est bien. Ne pas en oublier une qui peut également fonctionner, c’est mieux.
La statistique
73%, comme la possession de balle de l’équipe de Suisse contre la Roumanie lundi. Un chiffre qui a même grimpé à 79% en première période. Cette domination ne se conteste plus: elle est assumée. Il ne manque plus qu’à lui donner de la valeur.
Une question pour penser l’avenir

Alors que Murat Yakin semble avoir trouvé une ossature type, quel impact aura le mercato d’été sur celle-ci, compte tenu du nombre de joueurs importants qui risquent de changer de club?