Vaud – Le désespoir des pères qui restent sur la touche

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VaudLe désespoir des pères qui restent sur la touche

Le Mouvement de la condition paternelle Vaud a réuni une dizaine de témoignages qui critiquent le système actuel, qui les prive bien souvent de leurs enfants. Ils proposent des pistes pour améliorer la situation.

Eric Felley
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Eric Felley
Quelques-uns des participants à la Conférence de presse de jeudi: Pascal Gysel, adjoint en communication au MCPV, Philippe Lenoir, Thierry-Nicolas Jaton, Abdel Tayachi et Julien Dura, porte-parole du MCPV.

Quelques-uns des participants à la Conférence de presse de jeudi: Pascal Gysel, adjoint en communication au MCPV, Philippe Lenoir, Thierry-Nicolas Jaton, Abdel Tayachi et Julien Dura, porte-parole du MCPV.

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Une dizaine de personnes ont témoigné jeudi à Epalinges du malaise ou de la colère qu’elles ressentent dans la façon dont sont traitées leurs procédures pour la garde des enfants à la suite d’un divorce. Réunis par le Mouvement pour la condition paternelle Vaud (MCPV), ces témoignages décrivent des réalités différentes, mais ont ceci en commun de viser la politique de la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ) du canton de Vaud (qui a remplacé en 2020 le Service de protection de la jeunesse).

Les reproches sont multiples: le non-respect de l’autorité parentale, l’impuissance des parents concernés face à «l’omnipotence» de l’administration ou son absence de remise en question. «Personne ne présente ses excuses en cas d’erreurs dans le cadre de procédures relevant du droit de la famille, relève un témoin. personne ne reconnaît noir sur blanc qu’il y a eu maltraitance envers l’enfant de la part de l’État, si cela a été le cas».

Pour le père, «rien n’est jamais bon»

Pour un autre, la DGEJ «prend systématiquement le parti de la mère. Si celle-ci accuse le père pour le discréditer, elle suit et utilise ses plaintes pour le diaboliser auprès des multiples intervenants: tribunal, expertise, garderie, point rencontre, espace contact et pédopsychiatre». Enfin, un dernier regrette: «Quoi que je fasse en tant que père pour régler la situation, rien n’est jamais bon: on se voit systématiquement reprocher de ne pas avoir pris la bonne décision, de ne pas avoir la bonne attitude, etc.»

«Un tort irréparable»

Pour le porte-parole du MCPV, Julien Dura, il existe dans ces procédures une forme de partialité originelle: «On est dans une logique, où il doit y avoir forcément un gagnant et un perdant. Cette approche doit fondamentalement changer. Très souvent le parent perdant, qui ne détient pas l’autorité parentale ou la garde, est confronté au non-respect de son droit à des relations personnelles avec son ou ses enfants. Ce qui cause avec le temps un tort irréparable».

«On broie des familles entières»

Lors de cette rencontre, l’avocat fribourgeois, Me Benoît Sansonnens, a relevé d’abord que cette situation n’était pas spécifique au canton de Vaud et qu’on la retrouve dans les cantons romands: «Notre système est en train de broyer des familles entières, sur le plan humain et financier». Dans sa pratique, il constate d’une part que les intervenants sont mal formés ou ont peu d’expérience de vie. De l’autre, il s’est installé une «expertocratie» avec des rapports, des audits ou des expertises pédopsychiatriques, qui coûtent cher, entre 15 000 et 20 000 francs, et dont «les juges ne lisent que les conclusions».

Pour rétablir peu à peu un climat de confiance, l’avocat propose en premier lieu que tous les entretiens menés dans le cadre d’une procédure soient enregistrés. Cette mesure est entrée en vigueur au début de cette année dans le cadre des expertises AI et elle est appliquée aussi dans les cas qui relèvent de la loi d’aide aux victimes d’infraction (LAVI).

Vers un Tribunal de la famille

Julien Dura estime que dans un premier temps, on pourrait créer des postes d’«Ombudsmans», afin que les parents puissent se tourner vers une autorité indépendante. Une autre piste, plus politique, serait la création d’un Tribunal de la famille. Actuellement, ces dossiers sont traités par des juges généralistes. Beaucoup de pays ont instauré des Tribunaux de la famille: «Ce type de cour, note le porte-parole, est composé de juges spécialisés, d’experts indépendants et d’un panorama complet de professionnels aguerris»

Il en résulte une gestion plus efficace des conflits: «On constate dans ces pays une augmentation substantielle du nombre d’autorités parentales, de gardes conjointes et de droits de visite étendus. Cela engendre aussi une forte diminution des frais de justice ou d’assistance judiciaire. Les procédures sont plus rapides, il y a nettement moins de recours et de conflits liés au non-paiement des pensions ou au non-respect des droits de visite».

Vers le consensus parental

Contactée par «20 Minutes», la DGEJ a réagi par la voix de sa directrice Manon Schick, ancienne directrice d’Amnesty International. Elle dit comprendre la douleur de ces parents. «L’enfant et son bien-être sont au centre de nos préoccupations. En cas d’accusations d’actes graves, la justice prend des mesures provisoires pour préserver l’enfant». C’est d’ailleurs pourquoi elle rappelle que les autorités se penchent de plus en plus vers la voix du consensus parental, avec notamment un projet pilote qui va être lancé dans l’Est vaudois.

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