Football: Commentaire: fermer des bouches et surtout décrocher des mâchoires

Publié

FootballCommentaire: fermer des bouches et surtout décrocher des mâchoires

La Suisse verra les meilleures joueuses européennes fouler ses pelouses (en herbe!) dans deux ans. L'occasion, encore, de combattre des clichés qui ne devraient pourtant plus en être depuis longtemps.

Robin Carrel
par
Robin Carrel

Ah je les vois, commenter sur internet avec un pseudo, dans des propos qu'ils n'oseraient jamais dans la vraie vie. Je les entends, en bande au bout du bar, se gausser en catimini et rire grassement. Je les devine, à la machine à café, enquiller les «blagues» et se taisant dès que quelqu'un d'à peu près éduqué passe à leur hauteur... Le football féminin leur fait peur et ce n'est pas ces gens-là que les joueuses doivent convaincre. Eux, ils étaient perdus dès le départ.

«Gneu gneu gneu c'est pas du foot», éructent ceux qui pensaient encore devenir pros en jouant en 4e Ligue à 22 ans et qui étaient moins forts qu’au moins deux filles dans leur équipe de juniors D. «Ils feraient mieux de nous rembourser nos impôts», balancent ceux qui seraient capables de voter non au soleil, si il était remis en cause en votation populaire. «Je me rappelle y'a trois ans, les moins de quinze ans de je sais plus quelle équipe avaient battu une sélection féminine aux Etats-Unis», tentent certains en riant sous cap, croyant avoir l’argument qui tue.

Et puis il y a l'autre côté du versant... «Au moins, les filles elles tombent pas tout le temps», disent ceux qui n'ont jamais regardé un match féminin et qui se contentent de véhiculer les clichés séculaires. «Elles, elles ont pas été pourries par l'argent comme Neymar et compagnie», assurent les docteurs ès football du dimanche matin qui pensent ainsi se munir du totem d’immunité du non sexisme, parce qu'ils ont entendu ça à une époque.

Sérieusement, je pensais qu'on n'en était plus encore à ce niveau là en 2023. Mais depuis mardi et l’attribution de l’Euro 2025 à la Suisse, c’est un sacré festival et, comme d’habitude, je m’énerve et je finis par faire un commentaire sur lematin.ch.

Mais sérieux, c'est quoi ce besoin de tout comparer entre les sexes? C'est quoi cette éternelle détresse qui nécessite de devoir se rassurer quant à la suprématie de l'un sur l'autre? C'est quoi, tout simplement et comme d'habitude à notre époque, ce sentiment d'avoir l’obligation de toujours avoir un avis définitif sur un sujet qu'on ne maîtrise pas et de devoir à tout prix le faire savoir à ses 22 followers ou au pied des articles? Pourquoi ne pas accepter que ce n'est pas le même sport et que le jeu de ballon peut être joué et apprécié de différentes manières? Il y a bien des gens qui vont volontairement voir de la 5e Ligue!

Cette fois, plus d'excuses pour garder ses/ces idées toutes faites. Ce sera tout près, ce sera pas cher et ce seront les meilleures. Le foot féminin suisse a pourtant une exposition jamais vue ces temps, mais apparemment, ce n'est pas encore du tout assez. Alors avec les stars du continent sur le pas de la porte, j'ose espérer que cet esprit de clocher se déplacera au moins jusqu'au terrain de foot, histoire de pouvoir, une fois n’est que trop rarement coutume, faire des théories en connaissance de cause.

Ils pourraient bien être surpris et, pire, y prendre du plaisir…

Ton opinion

198
0
5