Il fait un recueil avec des tickets de train

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LivreIl fait un recueil avec des tickets de train

Le photographe fribourgeois Jean-Luc Cramatte rend poétiques les billets de train de la ligne Vionnaz-Monthey.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé

Sublimer le quotidien, c'est une constante chez le photographe fribourgeois Jean-Luc Cramatte, natif de Porrentruy (JU). Dernière illustration de sa démarche artistique: un recueil de tickets de train de la ligne valaisanne Vionnaz-Monthey.

Établi à Monthey (VS), Jean-Luc Cramatte (64 ans) a une habitude très matinale qu'il qualifie de «mécanique»: une promenade solitaire le long du canal Stockalper, ouvert en 1659 sur la rive gauche du Rhône pour transporter du sel, puis prolongé jusqu'au lac Léman en 1879. 

«La plaine s'élargit, on n'entend aucun bruit, c'est la solitude parfaite», décrit ce contemplatif. La plaine du Rhône, c'est son Arkansas à lui qui cite volontiers l'écrivain américain Jim Harrison (1937-2016).

Amoureux des mots

S'il prend un ticket en papier à Vionnaz, c'est parce qu'il voyage léger pour marcher, sans smartphone. Jean-Luc Cramatte colle sur ses titres de transport des lettres découpées le plus souvent dans le journal gratuit «20 Minutes»: «Le graphisme du lettrage convient bien», relève cet amoureux du détail.

Mélangées, ces lettres font des poèmes de trois ou quatre mots, des textes «courts et directs», comme le veut l'auteur. Précision: «Les mots s'entrechoquent sans délivrer de message, à peine une pensée». Des billets, il en a envoyé à des amis, mais il en gardé beaucoup.

C'est là qu'intervient un autre artiste jurassien de grande envergure passé comme lui à l'École de photographie de Vevey (VD): Augustin Rebetez, qui voit dans la démarche et la collection de Jean-Luc Cramatte le «témoignage d’un monde qui fut un temps imprimé».

Un billet de train de Jean-Luc Cramatte est pour Augustin Rebetez une «lettre d’amour aux promenades à sens unique». En les publiant dans un livre, il en fait «un journal intime écrit avec les mots des autres», une «ode délicate à la liberté, au laisser-aller, au temps qui passe et qui file».

Moins lyrique, Jean-Luc Cramatte évoque un «petit traité de la marche à pied». Ce photographe est resté l'ami des écrivains. Il cite Hugo Loetscher côté alémanique et Nicolas Bouvier côté romand, mais c'est avec Bernard Comment qu'en 1998, il a réalisé le livre Eclats cubains consacré aux chemins de fer sur l'île de Fidel Castro.

Des inventaires photographiques

Est-il punk? Difficile de caser ce photographe amoureux des mots autant que des images. Dans sa biographie, Jean-Luc Cramatte est présenté comme un collectionneur obsessionnel qui entasse des inventaires photographiques.

«Il pense et travaille en séries, accumule les images comme autant de témoignages d’une mémoire collective. Ses investigations amènent à voir l’anodin, à découvrir ce qui passe inaperçu», est-il indiqué.

Sa carrière de photographe de presse a débuté en 1984 par un reportage sur la dernière garde-barrière fribourgeoise. En 2007, il s'est fait remarquer par une publication intitulée Poste mon amour et consacrée aux bureaux postaux du pays.

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