Votations fédérales du 9 juinPrimes à 10%: le rappel de Ruth Dreifuss
L'ancienne conseillère fédérale se souvient dans quel état d'esprit avait été acceptée la LAMal, en 1994.


Ruth Dreifuss, ici en 2014.
VQH/Odile MeylanEn décembre 1994, lors de la votation sur la loi sur l'assurance maladie, qui a implanté le système que l'on connaît aujourd'hui, Ruth Dreifuss, alors conseillère fédérale, était en charge du dossier. Elle se souvient aujourd'hui de cette époque, de la campagne et des arguments qui ont été échangés. Le projet avait passé la rampe, mais de justesse par 51,8% des voix. Les cantons romands avaient fait alors une nette différence.
Alors que l'on s'apprête à voter le 9 juin prochain sur l'initiative visant à plafonner les primes à 10% du revenu, la socialiste genevoise, 84 ans, rappelle certains éléments de l'époque, qui avait fait passer le projet.
Avant l'Assurance obligatoire des soins: «Beaucoup trop de personnes pauvres et malades n’avaient pas d’assurance maladie du tout, se souvient-elle, ou une assurance avec des prestations limitées. Les premières parce qu’elles ne pouvaient pas payer la prime et les secondes parce que les caisses avaient le droit de les refuser ou de ne prendre en charge que certains frais. Si ces personnes avaient besoin d’un traitement médical, elles devaient en assumer elles-mêmes les coûts. Il n’était pas rare qu’elles attendent trop longtemps avant de consulter un médecin et que celui-ci ne puisse plus les soigner».
Des primes par tête
Pour faire passer son projet d'une assurance sociale pour toutes et tous, elle a dû composer avec le camp bourgeois: «La principale concession nécessaire concernait les primes que les assurés paieraient. Il aurait été judicieux de prévoir un financement en fonction du revenu ou de la fortune, comme c’est le cas pour toutes les autres assurances sociales. Mais les partis bourgeois ont catégoriquement rejeté cette idée».
Elle a donc trouvé un compromis, celui de maintenir des primes par tête, complétées par des réductions de primes individuelles. «Nous voulions ainsi garantir que les ménages à bas et moyens revenus ne soient pas trop lourdement taxés. Que les familles ne soient pas pénalisées».
8% au maximum
Quel devrait être le niveau de cette réduction de primes? Le Conseil fédéral avait chargé une commission d’experts d’élaborer une proposition: «Selon ses calculs, si aucun ménage ne devait consacrer plus de 7% de son revenu disponible à la prime, environ la moitié de la population aurait droit à une réduction de primes. Pour le Conseil fédéral et le Parlement, c’était trop. Ils se sont mis d’accord sur l’objectif de 8%. En sachant qu’un tiers des assurés bénéficieraient d’une réduction».
Ce plafond de 8% a été un des arguments clefs dans la campagne de votation de 1994 et du succès de la loi. «Mais aujourd’hui, 30 ans plus tard, nous sommes loin de cet objectif....»
Des franchises élevées et pas de soins
L'ex-conseillère fédérale constate que les conséquences pour de nombreux assurés d'aujourd'hui sont problématiques: «Pour boucler le mois, ils n’ont souvent pas d'autre choix que d’opter pour la franchise la plus élevée. Et cela a pour effet que de plus en plus de personnes renoncent à consulter un médecin en cas de maladie ou d’accident pour des raisons financières. Comme à l’époque, avant l’introduction de la loi sur l’assurance-maladie».
«Le 9 juin, nous avons la possibilité de corriger cette évolution», conclut-elle.