BienneLe brigandage sanglant de 1999 sera enfin jugé
Le crime commis dans le pavillon d’une famille yéniche est en passe d’être élucidé. Le prévenu a été confondu par son ADN après avoir signalé un vol dans son kiosque.


Adossé à des jardins familiaux, le pavillon du crime a brûlé et a été remplacé.
lematin.ch/Vincent DonzéL’assassinat a été commis dans le pavillon d’une famille yéniche en 1999, son auteur présumé a été arrêté en 2021. En attendant son procès, le prévenu de 64 ans restera en détention provisoire, comme l’a décidé le Tribunal fédéral dans un arrêt publié vendredi dernier. Sa demande de remise en liberté a été rejetée.
Originaire de Macédoine du Nord, le prévenu mis en accusation par le Ministère public régional paraît impliqué dans le brigandage sanglant commis dans la nuit du jeudi 24 au vendredi 25 juin 1999, marqué par l’assassinat d’un jeune homme de 22 ans.
Impliqué dans une autre affaire à l’étranger, l’accusé a été identifié grâce à son ADN. En 2015, il s’est jeté dans la gueule du loup en signalant un vol par effraction commis dans son kiosque! Par la suite, les relevés anthropométriques effectués sur lui ont révélé une concordance avec une trace d’ADN provenant du lieu du crime à Bienne, ce qui a conduit à son arrestation en 2021.
Déferlement de violence
Même si la thèse initiale d’une exécution délibérée semble abandonnée, la prévention d’assassinat est maintenue. Quatre individus masqués sont entrés par la fenêtre d’un pavillon pour ligoter et bâillonner un couple et son fils cadet, âgé de 14 ans. «On veut tout l’argent!» a intimé un agresseur en allemand avec un accent balkanique. «On n’a presque rien», s’est-il entendu dire. Une réponse qui a déclenché un déferlement de violence: «On m’a mis le canon d’une arme dans la bouche», a témoigné le fils, ligoté avec ses parents par de la bande adhésive.
Non seulement les brigands ont menacé de tuer l’adolescent, mais ils l’ont frappé avec acharnement, en restant sourds aux supplications du père. «Les otages ont subi des décharges électriques au moyen d’appareils à électrochoc», a rapporté la police. Muselé, le père n’a pas pu répondre aux coups de téléphone de ses deux fils partis boire un verre au Buffet de la Gare.
«Papa, ouvre!»
Tout a basculé lorsque après minuit. Les deux frères aînés rentrés à la maison ont trouvé la porte fermée. «Papa, ouvre! Qu’est-ce que tu fais?» ont-ils demandé. Personne ne pouvait les mettre en garde. C’est là qu’un brigand a ouvert le feu à travers une fenêtre, touchant l’un des frères, avant de l’achever d’une balle dans le dos à 50 mètres de là, l’autre s’étant caché dans l’ombre d’une façade.
Les brigands ont pris la fuite à bord d’une VW Sirocco portant des plaques soleuroises, en emportant un pistolet-mitrailleur Uzi, mais aussi des bijoux en or: un bracelet, trois colliers et une paire de boucles d’oreilles. Dans cette communauté, les femmes portaient volontiers des Vreneli d’or à 20 francs, au poignet ou aux oreilles, tandis que les hommes étaient amateurs de chevalières et de gourmettes.
Libération du Kosovo
Selon l’enquête en cours, le raid est lié à un trafic d’armes entre les deux frères aînés et des militants de l’UCK, l’armée de libération du Kosovo.
Il y a trois ans, lematin.ch s’était rendu à l’endroit du crime, dans une zone pavillonnaire, sur une parcelle attribuée aux gens du voyage en 1956. «Il est mort devant ma porte, une balle dans le dos», rapportait alors une résidente, en évoquant Jeannot, son voisin brocanteur.
«Maculée de sang»
«On a reconnu notre voisin qui gémissait. Mais comme c’était le début de la braderie, on s’est dit qu’il avait pris un caramel et qu’il voulait dessaouler chez nous», rapportait cette retraitée. Quand une main posée sur son dos s’est maculée de sang, elle a appelé les parents du jeune homme en criant, mais personne n’a répondu,
«Fous le camp: ils vont nous tirer dessus», lui a hurlé le frère aîné sorti par-derrière. Le père, lui, semblait déconnecté. La famille Bittel est partie et son pavillon a brûlé neuf mois après le crime. Les enquêteurs ont conclu à un incendie criminel. Les parents sont décédés et les deux enfants rescapés n’ont jamais réapparu dans le quartier.
«Au cours de la longue et vaste enquête, plus de 200 personnes, dont de nombreux suspects, ont été contrôlées et en partie interrogées», précise aujourd’hui la police cantonale bernoise. Le prévenu conteste les faits et les trois coauteurs n’ont pas pu être identifiés.