SéismesLa Turquie devra traiter des montagnes de gravats, parfois toxiques
Le tremblement de terre du 6 février a généré 200 millions de tonnes de gravats, soit «sept fois la quantité annuelle de déchets produits par la Turquie», selon un chercheur.

Les gravats peuvent contenir des substances dangereuses, comme de l’amiante.
AFPDeux semaines après le séisme qui a dévasté le sud de la Turquie, une région où se sont à nouveau produites lundi des secousses sismiques, les experts redoutent que les millions de tonnes de débris ne finissent dans la nature.
Dans un nuage de poussière, une demi-douzaine de camions-bennes déversent leurs gravats potentiellement pollués au bord de la route d’Antakya. La scène se passe au petit matin, sous la surveillance de voitures de police. Au total, plus de 118’000 bâtiments ont été détruits ou gravement endommagés par le séisme du 6 février, qui a fait plus de 41’000 morts en Turquie, près de 45’000 en comptant la Syrie voisine.
Gravats dans une réserve d’oiseaux
La tâche s’annonce titanesque mais le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est engagé à faire en sorte que les gravats soient évacués et triés «sans nuire à l’environnement et aux personnes.» Il y a huit jours, les autorités ont dû rassurer les défenseurs de l’environnement, après que des images ont montré des déchets et des gravats déversés dans un sanctuaire d’oiseaux migrateurs de la province d’Hatay.
«Nous avons réglé ce problème. Nous allons ramasser ces déchets (…) dans les plus brefs délais», a affirmé sur Twitter Mehmet Emin Birpinar, le ministre adjoint de l’Environnement. Les autorités veulent rapidement évacuer les gravats pour «se débarrasser aussi vite que possible des images qui feront perdre des voix au gouvernement», estime Koray Dogan Urbarli, un des porte-parole du Parti des Verts (Yesiller Partisi).
Substances dangereuses
Cent millions de tonnes «contenant de nombreuses substances dangereuses pour la vie humaine et l’écosystème» doivent pourtant être évacuées avec «beaucoup de précautions», affirme-t-il. Dans les rues d’Antakya, l’AFP n’a vu aucune bâche ni filet de protection recouvrant des gravats potentiellement nocifs à bord des camions.
De l’amiante est pourtant présente, cette substance isolante et cancérigène qui a été autorisée dans la construction en Turquie jusqu’en 2014. Mais pas seulement. «Il peut aussi y avoir du plomb ou des microplastiques dans la poussière» se dégageant des décombres, alerte Sedat Gündogdu, spécialiste de la pollution plastique à l’université Cukurova d’Adana (sud).
Le chercheur évalue à 200 millions de tonnes le poids des gravats générés par le tremblement de terre, soit «sept fois la quantité annuelle de déchets produits par la Turquie», ce que ce pays, qui enfouit traditionnellement ses rebuts, «n’a pas les capacités» de traiter. Les gravats liés au séisme, d’abord transportés à titre provisoire sur un site, seront ensuite transférés sur un second site, pour être triés avant d’être enfouis, explique-t-il.
Nappes phréatiques
Dans les deux cas, il faut s’assurer que les sols ne sont pas poreux ou alors «il faut les recouvrir» d’une couche imperméable. Sans quoi, aux premières pluies, les produits dangereux vont «polluer les nappes phréatiques», craint Sedat Gündogdu. Le déplacement «incontrôlé» des débris «mettra en danger le sol, l’eau, l’air, l’ensemble de l’écosystème et la vie dans son ensemble pendant de nombreuses années, ouvrant la porte à de nouvelles catastrophes», s’inquiète également l’ONG Greenpeace, contactée par l’AFP.
Pour Koray Dogan Urbarli, l’évacuation rapide des gravats risque aussi d’entraver toute enquête qui permettrait de traduire en justice les promoteurs et les entrepreneurs véreux dont les immeubles se sont effondrés comme des châteaux de cartes. «Tous ces gravats sont des preuves!», rappelle-t-il.
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