SyrieSans relâche, il fouille les gravats en quête de trente de ses proches
Malik Ibrahim, 40 ans, a réchappé au séisme qui a frappé lundi le nord de la Syrie ainsi que la Turquie voisine. Mais trente membres de sa famille n’ont pas eu cette chance.

Au milieu des ruines, des dizaines de personnes prêtent main-forte dans le village de Besnaya, dans l’espoir de retrouver des survivants. Chaque fois qu’un d’eux est retiré des décombres, des cris de joie retentissent.
AFPDepuis deux jours, Malik Ibrahim déblaye sans relâche les décombres dans un village du nord de la Syrie, à la recherche de trente membres de sa famille, tous ensevelis sous les ruines. Le rescapé retire les pierres une par une, à l’aide d’une pioche ou même de ses propres mains, avec des gants pour seule protection, en espérant retrouver son oncle, son cousin et leurs familles respectives. Ils sont ensevelis sous le toit et les murs de leur immeuble, devenu de simples tas de gravats jonchés de panneaux solaires.
«Une famille entière s’en est allée. C’est une extermination totale», déclare cet homme de 40 ans, le visage pâle, recouvert de poussière. Dix corps inanimés ont déjà été retirés des ruines dans le village de Besnaya, à la frontière avec la Turquie. Le spectacle apocalyptique des maisons détruites par le séisme de lundi contraste avec les champs d’oliviers qui entourent la localité. «Chaque fois qu’on exhume un corps, je me souviens des bons moments qu’on passait ensemble (…) on riait et on plaisantait», ajoute-t-il. «Mais ça n’arrivera plus. On est séparés. Ils sont dans l’au-delà et on est ici. On ne se reverra plus».
«Nos souvenirs sont enterrés avec eux»
Lundi à l’aube, quand le séisme a fait trembler la région, Malik, sa femme et ses huit enfants ont fui leur maison de la ville d’Idleb. Sous la pluie torrentielle, il s’est senti soulagé d’être en vie, ainsi que sa femme et ses enfants. C’était avant qu’il n’apprenne que ses proches, qui habitent à Besnaya, n’ont pas eu la même chance. Il s’est immédiatement dirigé vers le village, à une quarantaine de kilomètres de chez lui, et n’a plus fermé l’œil depuis. «On creuse et on ne dort pas», dit-il.
À mesure que le temps passe, l’espoir de retrouver des survivants s’amenuise. «Il reste vingt personnes sous les décombres. Je n’ai pas de mots, c’est une catastrophe. Nos souvenirs sont enterrés avec eux. Nous sommes un peuple sinistré dans tous les sens du terme.» Il raconte avoir lui-même été forcé de quitter son foyer il y a quelques années en raison de la guerre pour se réfugier à Idleb.
Au milieu des ruines, des dizaines d’habitants, de combattants, de volontaires et de travailleurs humanitaires se sont rassemblés, dans l’espoir de retrouver des survivants. Chaque fois qu’un d’eux est retiré des décombres, des cris de joie retentissent. Le séisme, dont l’épicentre était situé en Turquie, a fait des milliers de morts dans les deux pays, dont plus de 2600 dans une Syrie déjà dévastée par des années de guerre civile.
«On n’a pas d’autre choix que d’espérer»
Dans le village voisin de Ramadiyé, Ayman Diri, 50 ans, veut toujours croire que son frère Mamoun et ses huit enfants s’en sortiront vivants. Il aide les volontaires à extirper des survivants des décombres, après avoir entendu leurs appels au secours. Au bout de longues heures de fouilles, les secouristes exhument le corps de son neveu âgé de 12 ans.
«On n’abandonnera pas. On ne sait pas si les autres sont vivants ou pas. Mais on n’a pas d’autre choix que d’espérer, malgré l’état du bâtiment», dont le toit s’est effondré sur ses occupants, dit Ayman Diri. «Que Dieu ait pitié d’eux, qu’ils soient vivants ou morts», soupire-t-il.