FranceIl promettait un «sourire de star»: 366 patients mutilés
Un dentiste est accusé de s’être frauduleusement enrichi sur le dos de la sécurité sociale en pratiquant des opérations médicalement injustifiées et bâclées.

Le dentiste et son père risquent 10 ans de prison. (Photo d’illustration)
AFPLionel G., un dentiste de 41 ans, sera jugé à Marseille pour «violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente» et «escroquerie». Son père âgé de 70 ans, également dentiste, sera aussi sur le banc des accusés. Les deux hommes, aussi poursuivis pour «usage» et «complicité» de «faux en écriture privée» encourent 10 ans d’emprisonnement et 375’000 euros d’amende. Cette somme pourrait monter à près de deux millions d’euros pour leurs sociétés, sans compter l’indemnisation des nombreuses victimes.
Abcès, douleurs, infections à répétition, bouche noire, mauvaise haleine, prothèses qui ne tiennent pas: dix ans après les faits incriminés – de 2009 à 2012 –, beaucoup d’anciens patients subissent encore des troubles, témoigne Marc-André Ceccaldi, avocat de plusieurs plaignants. «Lionel G. leur promettait un sourire de star», dit-il. «Mon client va s’efforcer de démontrer que, s’il y a eu sans doute des négligences ou des imprudences, il n’a jamais eu la volonté de nuire», explique pour sa part Frédéric Monneret, avocat de Lionel G.
Au total, 322 anciens patients se sont constitués partie civile, au côté de la Caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône, de cinq mutuelles et du Conseil national et départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes. Ce procès hors norme se tiendra jusqu’au 8 avril.
La grande vie
Les conclusions de l’enquête administrative décrivent un système organisé visant à réaliser «un maximum de prothèses dentaires, bénéficiant de la liberté tarifaire». Selon plusieurs témoins, «le tandem père-fils était clairement dirigé par Lionel G.». «La première consultation se soldait systématiquement par un programme massif de travaux impliquant de dévitaliser et de couronner un maximum de dents», constate le rapport évoquant «de fortes présomptions de dégradations volontaires de dents saines».
«Vous veniez pour deux caries et vous repartiez avec toutes les dents dévitalisées», a témoigné durant l’enquête l’assistante dentaire, Nadia Omar. Lionel G. facturait 28 fois plus de couronnes que la moyenne de ses confrères, a comptabilisé une dentiste conseil de l’Assurance maladie. En 2010, il était en tête des dentistes en France avec un chiffre d’affaires de 2,6 millions d’euros, contre une moyenne départementale de 180’000 euros.
L’homme s’est constitué en quelques années un patrimoine immobilier de 9,5 millions d’euros, possédait des voitures de luxe, un yacht de 15 mètres. Devant les enquêteurs, Lionel G. a justifié sa réussite par des horaires de travail importants et une célérité exceptionnelle. Mais pour la sécurité sociale, arriver à de tels résultats dans une activité normale aurait demandé 52 heures de travail par jour.
Le docteur G. a rogné sur la qualité des soins réalisant par exemple «la pose de prothèse dentaire définitive, sans aucun essayage», alors que «cet acte nécessite pas moins de cinq étapes». La justice reproche également aux dentistes la disparition ou la falsification de radios pour tenter de dissimuler de faux diagnostics.