TélévisionUn documentaire sur le cyberespionnage éclabousse Huawei
«Les nouveaux soldats de la Chine» enquête sur l’activisme chinois aux États-Unis en Europe. Le fabricant d’antennes 5G prend des coups. Diffusion mercredi.


Paul Scanlan, directeur de la technologie de Huawei. Interviewé, le cadre défend l’indépendance du géant de la tech vis-à-vis du parti communiste chinois.
Capture d’écran. RTS.chFort accaparé à tenter de restaurer un climat de confiance, en Europe, Suisse comprise, suite à son bannissement des États-Unis, du Japon, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, Huawei n’est pas au bout de ses peines. «Les nouveaux soldats de la Chine», une enquête coproduite par Arte, qui sera diffusée à 22h10 sur RTS1 mercredi soir (déjà visible en ligne sur le site RTS.ch), jette un regard cru et sans concessions sur le cyberespionnage en général et celui de la Chine en particulier. Médiatiquement exposé pour avoir été mis publiquement mis sur le banc des accusés par l’Oncle Sam, le fabricant d’antennes 5G est pris dans le jeu de causes à effets éclairé par un jeu de piste en ligne et l’interview de nombreux spectateurs-acteurs, de l’ombre pour certains.
L’enquête signée Thomas Lafarge et Rémi Labed, commence par s’intéresser à l’histoire du cyberhacking en Chine dans les années 90, notamment bâtie par de jeunes «patriotes» aiguillés par le désir de rendre à l’Oncle Sam la monnaie de sa pièce. Elle souligne comment le parti unique, soucieux de présenter une meilleure image avant d’entrer dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, leur a prié de rentrer dans le rang tout en intégrant les jeunes talents les plus doués dans la structure étatique de «cyberdéfense». S’ensuit une trouble période dans laquelle la Chine monte en puissance et se voit accusée de cyberespionnage à large échelle par les États-Unis, identification de hackers de la section militaire chinoise et avis de recherche illustré, façon western, à l’appui. Le conflit larvé abouti en 2015 à un accord dans laquelle les États-Unis et la Chine s’engagent à ne plus utiliser de moyens numériques pour dérober des secrets commerciaux. Un accord pour la façade mais qui n’aurait jamais été suivi d’effets. La tension ne retombe guère.
Une Europe murée dans le silence
L’attention se porte en Europe, c’est notamment des fleurons de l’industrie allemande qui sont numériquement dépouillés. Puis le réseau diplomatique de l’Union européenne Koreus est intercepté. Là encore toutes les pistes conduisent vers la Chine. Bruxelles confirme les fuites mais se refuse à tout commentaire. Une seule source américaine (ex-cadre de la NSA) affirme qu’il s’agit d’une attaque d’origine chinoise. Un lien vers une entreprise informatique implantée dans l’Empire du Milieu, avide de traducteurs et dirigée par un ancien cadre ministériel, est trouvé par les enquêteurs, ce qui leur permet d’étayer les soupçons d’une implication chinoise.
C’est à ce stade que Huawei entre dans le jeu. Devenu leader dans la conception, la fabrication et le déploiement d’antennes 5G, le fabricants de smartphones moyen et haut de gamme, est brutalement stoppé dans son élan. Les États-Unis soupçonnent le fabricant d’être incapable, au mieux, de résister aux pressions du gouvernement chinois et, au pire, d’être son bras armé. L’implantation de composants et de lignes de code estampillés Huawei devient insupportable. Sans que des preuves tangibles ne soient rendues publiques, le géant est banni du marché américain. D’autres suivront. L’Europe reste diplomatique et prudente, elle ne ferme pas complètement la porte à Huawei mais le ver est dans le fruit, la confiance est rompue.
Sans vertu ni morale
Là encore l’enquête enfonce le clou en dénichant un ingénieur électricien licencié par Huawei et immédiatement inquiété par la police chinoise après avoir voulu contester publiquement les conditions de son départ. Puis reconvoqué et questionné immédiatement après son interview par les enquêteurs. Des faits troublants, bien que hors de la sphère pure de la cybersécurité, qui étayent l’hypothèse de possibles liens étroits entre l’entreprise et le pouvoir en place.
«Les nouveaux soldats de la Chine», qui sera également diffusée le 8 février sur Arte, dresse un état des lieux sans concession pour la Chine mais se garde de tout angélisme. Le documentaire décrit un monde économique et une situation géopolitique sans bons, sans méchants mais aussi sans vertu ni morale. Nul n’en sort grandi, pas même les États-Unis, le plus virulent contre la Chine en général et Huawei en particulier, mais récemment pris la main dans le sac d’écoutes téléphoniques en 2021 dont a été notamment victime Angela Merkel.