FootballAnalyse: ce Servette attentiste n’est pas dans sa nature
Les Grenat ont proposé un bloc bas lors des deux premières journées. S’il leur a permis d’obtenir des résultats, il a des failles qui révèlent un plan par défaut.


Puisque le championnat n’est vieux que de deux journées, la statistique ne veut pas dire pas grand-chose. Mais elle est suffisamment marquante pour être mentionnée: Servette est actuellement l’équipe qui a le moins eu le ballon depuis le début de saison. Sa moyenne de 34,7% de possession sur ses deux premiers matches contre Saint-Gall (1-0), puis Bâle (1-1) dimanche raconte une équipe qui se contente très bien de vivre sans.

Le Servette d’Alain Geiger semble évoluer selon des principes qui ne sont pas innés.
BASTIEN GALLAY / LPSL’observation s’impose, même si l’adversité (les Grenat ont affronté deux équipes proactives) la nuance. Les résultats positifs pourraient la conforter. Et si Servette était sur la bonne voie? Est-il fait pour ça? Ce n’est pas forcément ce que dit l’analyse: il y a quelque chose de contre-nature dans la façon dont les Genevois exécutent ce plan. Si tant est que c’est un plan…
Le constat: Servette défend bas
En deux rencontres, le SFC a vécu deux dynamiques de match différentes. Contre Saint-Gall, il a marqué tôt et a donc protégé son avantage. À Bâle, il a résisté, avant d’encaisser un but avant la pause. Dans les deux cas, l’effet du score n’a pas eu d’incidence sur l’approche servettienne. Notamment sans ballon. À chaque fois, Servette a défendu de manière attentiste: en laissant les Brodeurs et les Rhénans progresser jusque dans leur camp avant d’enclencher une certaine activité défensive.
Comment caractériser l’approche? Il n’y a pas de pressing: les adversaires peuvent relancer et repartir à leur guise. Les défenseurs centraux ont ainsi la liberté d’avancer sans vraiment qu’on ne leur oppose un quelconque frein. Le point d’équilibre du bloc-équipe servettien est donc médian, voire bas. Autrement dit, les milieux de terrain se situent à hauteur de la ligne médiane, mais ont tendance à vite reculer. Lorsque le ballon est perdu, Timothé Cognat (c’est généralement lui qui «annonce» par son placement les intentions servettiennes) se replace ainsi instantanément dans cette zone-là.
L’attitude se reflète dans les chiffres: Sur les 177 ballons récupérés par Servette sur les deux rencontres, 99 l’ont été en zone 1, 62 en zone médiane et seulement 16 en zone 3. Et jusqu’ici, s’ils laissent jouer et subissent un certain nombre de tirs (33 au total), les Grenat ont trouvé une formule qui leur permet de limiter les occasions dangereuses concédées (0,087 Expected Goal par tir accordé). Même si cela se joue à peu. En témoigne la performance de Frick à Bâle.
Ce que Servette y gagne
En se refusant à presser haut, Servette a fait un choix: celui de ne pas prendre le risque d’exposer ses défenseurs centraux. Yoan Séverin et Nicolas Vouilloz ne sont pas les arrières les plus dominants de la Super League, et c’est là une manière de les protéger. Au vu de la friabilité des Genevois la saison passée, le choix n’est pas anodin.
De la sorte, le 4-3-3 servettien propose une certaine densité axiale qui permet de fermer les espaces à l’intérieur du jeu. Plus facile de récupérer des ballons, surtout lorsque l’adversaire est Saint-Gall et s’évertue à passer par là. Contre Bâle, ce ne fut pas aussi évident.
Autre avantage d’un bloc bas pour Servette, c’est la possibilité d’opposer une défense de surface active. En nombre déjà, puisque les seize mètres de Frick sont bien occupés. Cela correspond aussi mieux aux qualités de la paire Vouilloz-Séverin, plus à l’aise pour défendre sur l’homme que dans l’espace. Et les qualités de David Douline, efficace lorsqu’il faut gratter des ballons, sont également mises en exergue.
Et puis, sur le plan offensif, il y a des espaces à exploiter dans le dos des défenses adverses. Les transitions peuvent être menées, notamment en profitant des remontées de balle de Timothé Cognat, de la percussion de Chris Bédia ou des projections de Stevanovic ou Pflücke. En les jouant bien, comme sur le 1-1 de Valls à Bâle, il y a des opportunités à se créer.
Ce que Servette risque
Parfois, la frontière entre un bloc bas quelque peu attentiste et la passivité est fine. C’est le jeu un petit peu dangereux auquel jouent les Grenat. Qui dit bloc médian ou bas devrait aussi annoncer une capacité à suivre les mouvements du ballon. Et surtout à agir dès lors qu’une passe adverse est effectuée vers l’arrière, voire de manière latérale. Histoire de toujours maintenir des distances de cadrage qui permettent d’intervenir à la moindre erreur.
Sauf que Servette n’a pas forcément cette discipline-là. S’ils sont tout à fait capables de repérer certains signaux (prise de balle vers l’arrière de l’adversaire, passe mal exécutée, contrôle raté…), les Grenat ont en revanche beaucoup de peine à synchroniser leurs mouvements pour bouger leur bloc. Conséquence? Ils reculent et attendent de plus en plus bas, laissant les adversaires déployer leur jeu très haut. Le cadrage du porteur de balle face au jeu tend ainsi à être oublié au fur et à mesure de l’avancement du match. Les neuf arrêts de Frick à Bâle dimanche s’expliquent ainsi également par les angles de passe et de frappe accordés aux Rhénans.
Cela peut indiquer un comportement défensif collectif qui n’est pas forcément adapté à une telle approche. L’ADN servettien n’est sans doute pas celui-ci. Autre élément à même d’appuyer l’hypothèse: la difficulté à défendre en zone en bloc bas. Les Servettiens tendent en effet à être très orientés «homme». Dit autrement, ils se déplacent en fonction des mouvements adverses plus qu’ils ne cherchent à toujours fermer les espaces en fonction de la position du ballon. La mobilité des Bâlois a su s’en nourrir dimanche.
Au vu de ces données, difficile de prétendre que l’approche attentiste servettienne est mûrie. Elle laisse le sentiment d’un plan par défaut, adapté à l’adversaire. Est-ce à dire qu’il n’est pas pertinent? Sans doute pas, puisque Servette sait faire des points ainsi. Mais si c’est la voie que les Grenat entendent suivre, alors il faudra s’en imprégner et corriger ces manquements.