Le patriotisme se meurt, vive la Suisse!

En cet été 2022, une certaine lassitude s’est installée dans un quotidien plutôt terne: guerre en Ukraine, canicule, sécheresse, inflation, crise énergétique et poursuite de l’épidémie du Covid. La guerre, surtout, a fait vaciller la neutralité helvétique. La Suisse n’avait pas d’autre choix que se ranger du côté des démocraties occidentales et de ses valeurs. Mais, pour un pays dont la neutralité est un pilier identitaire, c’est une période déstabilisante.

Notre politique extérieure a toujours visé des relations amicales avec tout le monde. Aujourd’hui, ce qui n’était pas arrivé de mémoire d’homme, nous avons un «ennemi» sur la scène internationale, la Russie de Vladimir Poutine. Notre premier réflexe a été d’augmenter le budget militaire pour les dix ans à venir. Mais en réalité, nous savons très bien que notre capacité à nous défendre seuls contre un tel adversaire est limitée.

Notre premier réflexe a été aussi de décréter un accueil sans réserve pour les réfugiés ukrainiens. La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter a fièrement engagé la Suisse sur cette ligne humanitaire. Mais, si la guerre devait s’installer à l’est de l’Ukraine, l’opinion publique, à la moindre étincelle, pourrait la faire basculer dans moins de générosité. Nous vivons dans une société si hypersensible et versatile.

Pour en venir au 1er août, on ne peut pas dire qu’en 2022 la question patriotique soit au centre de nos préoccupations individuelles. On a dû mal dégager une identité helvétique, quelque chose qui transcende notre prospérité, quelque chose qui relèverait de la magie d’être suisse. Ignazio Cassis a placé son année de présidence sur le thème de la cohésion nationale et sociale.  «Cette culture du dialogue que nous avons en Suisse est une richesse inestimable, écrit-il à l’occasion du 1er août. Notre capacité de cohésion est une force que nous devons préserver à tout prix».

Dans ce contexte, le président devrait veiller à ce que le Conseil fédéral montre l’exemple. Aujourd’hui, on a l’impression que chacun roule pour soi au sein du collège, comme l’ont montré les révélations sur l’achat des F-35. Il y a aussi cette chasse aux «fuiteurs», qui déstabilisent les proches collaborateurs des ministres et crée un fort climat de défiance dans la Berne fédérale. On sent dans certains milieux une volonté persistante de déstabiliser le gouvernement, de monter ses membres les uns contre les autres et de dénigrer son autorité.

Pour en revenir au 1er août, l’UDC devrait déposer une motion pour le déplacer au 1er octobre! En raison de la sécheresse, la très grande majorité des feux d’artifice sont annulés. Le patriotisme s’étiole d’autant. Dans un sondage diffusé la semaine dernière, seulement 22% des gens se disaient très attachés à la tradition des feux. En divers endroits, ils sont remplacés par des ballets de drones. Les chiens et les oiseaux gagnent au change. Mais les insectes? A-t-on pensé aux insectes? Attirés par la lumière, ils viendront se faire découper par les pales minuscules des engins volants. Des âmes sensibles à la biodiversité dénonceront bientôt ces essaims électriques qui vident le ciel de ses papillons de nuit.

Bref, cette fête nationale 2022, ne restera pas comme un très grand millésime. Mais il fait surtout faire un temps superbe pour manger dehors et, quand viendra la nuit, le ciel sera magnifiquement étoilé avec des étoiles «Made in Switzerland», compétitives et certifiées conformes à la qualité, au terroir et la tradition. Voilà un spectacle gratuit qui incitera à la méditation patriotique ou pas. Avec un coup de cor des Alpes dans le décor, le tour sera joué.