Affaire Fourniret«Aujourd’hui, cela fait 7636 jours qu’Estelle a été enlevée»
Au procès de Monique Olivier, ex-épouse de Michel Fourniret, les proches d’Estelle Mouzin, kidnappée par le tueur en série, ont raconté l’absence après la disparition de la fillette en 2003.

Éric Mouzin, père d’Estelle, qui s’était lancé corps et âme dans la bataille pour que soit élucidée la disparition de sa fille, a vivement dénoncé les errements de l’enquête.
AFP«J’ai grandi dans une maison où prononcer mon prénom déchirait le cœur de certains membres de la famille.» Devant la Cour d’assises des Hauts-de-Seine, Estelle Poisson, demi-sœur par alliance d’Estelle Mouzin, a témoigné mercredi lors du procès de Monique Olivier, ex-épouse du tueur en série Michel Fourniret.
La jeune femme de 30 ans s’est souvenue d’Eric Mouzin lançant, chaque soir, un «Estelle, à table!» après la disparition de sa fille de 9 ans par une nuit glaciale à Guermantes, en Seine-et-Marne, le 9 janvier 2003. Sa mère, Dominique, et Eric Mouzin venaient tout juste de s’installer ensemble. «La disparition d’Estelle a cristallisé une gémellité entre ma vie et son souvenir: vivre pour deux, ça m’a offert une force vitale incroyable», a raconté Estelle Poisson, qui a connu Estelle Mouzin une année.
Où est enterrée Estelle?
«En quelques minutes j’ai été catapultée dans l’épicentre du tremblement de terre que représente la disparition d’une enfant», confie Lucie Mouzin, grande sœur d’Estelle, dans une lettre lue par son avocat, Me Didier Seban. Elle qui vit à Londres, et vient d’avoir son deuxième enfant, n’a pu assister au procès.
Dans sa lettre qui a ému la salle, Lucie Mouzin décrit «le monde qui s’arrête» et, comme tous les autres membres de sa famille, interpelle Monique Olivier, jugée notamment pour complicité dans l’enlèvement et la séquestration suivie de meurtre de l’enfant, en lui demandant de révéler l’emplacement du corps de sa petite sœur. Fourniret, mort en détention en 2021, a laissé derrière lui de si nombreuses zones d’ombre.
Émigrer pour fuir l’horreur
«Monique Olivier, qui êtes-vous pour avoir commis ces actes abominables?» lui a demandé Suzanne Goldschmidt, mère d’Estelle, s’exprimant en visioconférence. Elle n’a pas voulu assister au procès, «traumatisée». Après «deux années d’enfer», elle avait quitté la France, ne supportant plus la pression médiatique, la vue du visage d’Estelle sur des affiches collées dans tout le pays, ni «le regard des autres», pourtant «bienveillant» mais qui la ramenait «sans cesse à l’horreur». Elle raconte la culpabilité qui la ronge d’avoir laissé Estelle rentrer seule de l’école. «Une faute que je vais me reprocher jusqu’à la fin de ma vie», dit-elle.
Auparavant, Éric Mouzin s’était avancé à la barre. «Aujourd’hui cela fait 7636 jours qu’Estelle a été enlevée», avait-il rappelé aux jurés. Depuis, «le temps est suspendu, j’attends des réponses depuis 20 ans». Le père, qui s’était lancé corps et âme dans la bataille pour que soit élucidée la disparition de sa fille, a vivement dénoncé les errements de l’enquête. «Les dysfonctionnements de la justice et des institutions à Auxerre» dans les années 80 ont permis «au couple Fourniret de continuer son parcours criminel», a-t-il asséné.
Tenter de construire une vie normale pour leurs enfants
Avec Dominique, ils font tout pour construire une vie familiale normale pour leurs enfants, «une digue pour que leur enfance et adolescence ne soient pas salies par l’innommable», selon les mots de cette dernière. Mais, dit Éric Mouzin, «aujourd’hui, chaque fois qu’on rencontre quelque chose de beau, un livre, un tableau, un paysage, des saveurs nouvelles, à chaque fois, je me dis qu’Estelle n’est pas là pour voir ça».