Jura bernois: Liberté de commerce pour un lupanar

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Jura bernoisLiberté de commerce pour un lupanar

Les citoyens de Crémines ont pris officiellement connaissance de la position du canton: changer un règlement communal pour contrer la prostitution, c’est impossible.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé

Comment empêcher l’ouverture d’un lupanar sur le territoire communal? Les autorités de Crémines pensaient qu’il suffirait de modifier un règlement communal, mais jeudi dernier, lors de l’assemblée communale, la maire Carole Ristori a informé ses concitoyens: empêcher la prostitution, c’est impossible.

Les autorités cantonales refusent que la commune modifie le Règlement de l’affection du sol et de construction pour freiner l’expansion de la prostitution sur son territoire.

La liberté économique est invoquée: ce changement reviendrait à interdire purement et simplement les maisons closes. Qui plus est, le règlement en vigueur prévoit déjà une interdiction pour les commerces dans une zone bien définie, l’exploitation d’un lupanar «n’est manifestement pas conforme» dans les zones restantes.

Plus du tout

Crémines peut tout au plus inscrire des restrictions dans son plan d’aménagement local, mais en laissant une zone du village accessible. La maire est déçue: «Le but, c’est qu’il n’y en ait plus du tout», a-t-elle déclaré en parlant de salons érotiques, propos rapportés par «Le Quotidien Jurassien». «On peut dire que le canton ne nous soutient pas dans cette affaire», a-t-elle ajouté.

Dans ce village de 500 habitants, une pétition d’opposants a obtenu 1161 signatures dans toute la région. Il y a tout juste un an, l’assemblée communale soutenait par 43 voix contre 1 une modification du règlement communal de manière à exclure «les établissements exerçant des activités de caractère érotique». Une décision que le canton ne veut pas voir appliquée: «Il n’est pas possible de s’appuyer sur l’aménagement du territoire pour interdire l’installation d’activités érotiques sur l’ensemble du territoire communal».

Discrétion et anonymat

Les autorités cantonales se veulent rassurantes: «Dans sa grande majorité, la clientèle recherche la discrétion et l’anonymat».

«Si l’objectif est de réduire les nuisances, il convient de prendre des mesures d’accompagnement plutôt que d’adopter une interdiction», précise le Conseil-exécutif bernois, selon qui «les établissements bénéficiant d’une autorisation ne représentent pas un danger accru pour la population».

Huit oppositions

Pour restaurateur Selman Osmani, promoteur du projet de lupanar, sa réalisation passe par la préfecture du Jura bernois, chargée d’étudier les huit oppositions formulées contre le changement d’affection prévu pour un bar contact et cinq chambres dévolues à la prostitution.

Le projet ne concerne pas la discothèque «Mustang»: c’est au sous-sol qu’un changement d’affection s’impose. Selman Osmani ne pourra obtenir une autorisation que si «ses antécédents et son comportement garantissent que l’activité sera exercée conformément à la loi».

Avec une agence

Location mensuelle prévue: 500 francs la chambre, soit 30 000 francs de revenu annuel pour tout l’étage. Selon ses dires, Selman Osmani a déjà établi des contacts avec une agence pour des filles roumaines et bulgares. Il affirme que son travail au bar contact se limiterait au débit de boissons.

C’est en réponse à une question de la députée Virginie Heyer, mairesse de Perrefitte, que le gouvernement bernois s’est exprimé une première fois sur la marge de manœuvre d’une commune désireuse d’interdire la création d’un lupanar: «Une disposition visant une interdiction de ce type dans toutes les zones d’affectation disponibles sur le territoire communal serait illicite, car contraire au principe de la liberté économique», avait-il prévenu.

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