Hockey sur glace – Commentaire - Un échec suisse délicatement balayé sous le tapis

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Hockey sur glace – CommentaireUn échec suisse délicatement balayé sous le tapis

L’équipe helvétique avait fixé comme objectif une place en demi-finale aux Jeux de Pékin. Du coup, pourquoi personne au sein de la délégation ne parle d’échec? Un peu facile, non? 

Cyrill Pasche
par
Cyrill Pasche Pékin
But, ou pas but? Ce puck va-t-il entrer dans le but ou plutôt longer la ligne de but? Le hockey se joue à peu de choses, mais ce n’est pas une raison pour brandir à chaque fois les mêmes excuses.

But, ou pas but? Ce puck va-t-il entrer dans le but ou plutôt longer la ligne de but? Le hockey se joue à peu de choses, mais ce n’est pas une raison pour brandir à chaque fois les mêmes excuses.

AFP

Un échec, quel échec?

Il y a quatre ans en Corée du Sud, juste après la cuisante défaite contre l’Allemagne en «barrage» pour accéder aux quarts de finale des JO, dirigeants et entraîneur de l’équipe de Suisse s’étaient exprimés lors d’une conférence de presse improvisée à la patinoire de PyeongChang.

Le gardien Jonas Hiller avait annoncé sa retraite internationale juste avant que Raeto Raffainer, alors directeur des équipes nationales, puis Patrick Fischer, déjà coach de l’équipe depuis un peu plus de deux ans, prennent à leur tour la parole dans une atmosphère pesante. 

Perdre contre l’Allemagne et ne gagner qu’un seul match de tout le tournoi contre une équipe asiatique (la Corée du Sud, 8-0) suffisaient à soulever pas mal de questions, notamment au sujet des compétences de Patrick Fischer à ce niveau, un entraîneur décrié dès sa nomination en décembre 2015 (et qui a depuis su inverser le cours des choses en sa faveur). 

A Pékin, l’équipe de Suisse a fait à peine mieux qu’en 2018: elle a perdu ses trois matches de la phase de groupe avant de remporter celui qu’il fallait: le barrage contre les Tchèques. Elle n’a ensuite pas vraiment existé en quarts de finale contre la Finlande.

Nous sommes probablement tous plus ou moins d’accord pour dire que la Suisse est à sa place lorsqu’elle se rend en quarts et qu’une qualification pour une demi-finale reste un accomplissement exceptionnel (ou alors tient à la présence sur la glace de Roman Josi et de quelques autres cracks de NHL, mais c’est encore une autre histoire). 

Sauf que voilà, Patrick Fischer et le reste de la délégation olympique ont annoncé tambours battants au mois de novembre déjà que l’objectif aux JO serait d’atteindre la demi-finale. Si 2018 fut un fiasco, 2022 a donc été un échec. 

C’est très bien d’annoncer des objectifs ambitieux, mais que se passe-t-il lorsqu’on ne les atteint pas? Rien du tout, à vrai dire. 

Patrick Fischer s’est arrêté deux minutes en zone mixte après l’élimination contre les Finlandais. Le directeur des équipes nationales, Lars Weibel, n’était pas dans les parages. Le directeur de Swiss Ice Hockey, Patrick Bloch, n’était pas en Chine.

Une conférence de presse, une prise de position officielle, un débriefing à chaud, un retour à froid? Pas nécessaire, il n’y avait de toute façon qu’une poignée de journalistes suisses à Pékin. Et puis, cela tombait bien, les hockeyeuses jouaient leur finale pour la médaille de bronze au même moment. L’occasion de passer à autre chose…

Fischer a certes articulé les mots «déception», «erreurs individuelles» et «momentum perdu», mais jamais celui d’échec. Plus tard à l’antenne de SRF, Weibel a expliqué qu’il faudrait d'abord «analyser les causes des défaites dans ce tournoi avant de pouvoir commenter cette élimination en quarts.» «Un échec, quel échec?», semblent-ils tous dire aujourd’hui. Un peu facile, tout de même…

A un jet de pierre de la halle de curling sise juste à côté du National Indoor Stadium de Pékin, voici une défaite qui a été habilement balayée sous le tapis. 

La Suisse n’a pas manqué la qualification pour les demies parce qu’elle a encaissé quatre autogoals dans ce tournoi.

Le bilan de l’équipe de Suisse, et en particulier celui de Patrick Fischer, n’est vraiment pas bon aux Jeux olympiques, et ceci pour la deuxième édition d’affilée.

La Suisse n’a pas manqué la qualification pour les demies parce qu’elle a encaissé quatre autogoals dans ce tournoi. Mais parce qu’elle n’était pas capable de s’exprimer offensivement et parce que trop de joueurs n’étaient pas au pic de leur forme le jour J. 

Un match de hockey se joue et se décide souvent à peu de choses, mais ce n’est pas une raison pour brandir à chaque fois les mêmes excuses.

Bien évidemment que le sélectionneur a aussi obtenu des résultats remarquables avec cette équipe entre-temps. Mais on ne peut pas, sans cesse, ressasser qu’il a guidé la Suisse en finale des Mondiaux en 2018 quelques semaines après s’être plantés aux JO de PyeongChang. Ce sera d’ailleurs peut-être encore le cas dans quelques semaines aux Mondiaux en Finlande. Ou l’année prochaine. Ou alors dans deux ans. La seule chose que l’on sait pour l’instant, c’est qu’il n’est pas allé bien loin ni aux JO de Pékin, ni à ceux de PyeongChang. 

Les joueurs ont été jugés sur leurs perfomances aux JO, et non pas sur ce qu’ils ont déjà fait ou réussiront peut-être dans le futur. 

Si on décide de lui trouver toutes sortes de circonstances atténuantes après ce tournoi raté de 2022, alors commençons par gommer les erreurs individuelles décisives de Lukas Frick et Gaëtan Haas en quarts de finale, le match manqué de Reto Berra contre les Finlandais et passons également sous silence le fait que Grégory Hofmann n’a pas marqué un seul point de tout le tournoi. 

Parce qu’au contraire de Patrick Fischer, les joueurs ont été jugés sur leurs perfomances aux JO de Pékin, et non pas sur ce qu’ils ont déjà fait par le passé ou réussiront peut-être dans le futur. 

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