JuraL’enjeu d’un divorce, c’est la ferme
La vente aux enchères d’un domaine agricole est au cœur d’un conflit familial qui sera porté au Conseil national.

La larme monte facilement à l’œil de l’agriculteur jurassien Marc Ritter, après la séparation de ses parents d’origine thurgovienne. C’est son avocat bernois Manfred Bühler qui décortique publiquement un conflit familial qui débouche sur une vente aux enchères annoncée, celle du domaine agricole de La Ventolière, à Bourrignon (JU).
Un domaine de 23 hectares qui sort d’un giron familial, c’est une rareté d’autant plus convoitée qu’à une altitude de 850 mètres, celui de La Ventolière est qualifié de «magnifique», à un arrêt postal situé entre Develier et Bourrignon, pour une estimation officielle de 1,4 million de francs.
Le 25 avril
La vente aux enchères aura-t-elle lieu le 25 avril prochain? Elle a été publiée jusque dans des journaux alémaniques, mais Manfred Bühler tirera toutes les ficelles juridiques et judiciaires possibles pour l’empêcher, y compris via un séquestre pénal. Son message à l’adresse des acheteurs potentiels: «Nous contesterons cette vente abusive jusqu’au Tribunal fédéral!»
Logé dans une ferme voisine acquise 18 ans plus tôt, soumis à une mesure d’éloignement après sa condamnation pour injures, menaces et lésions corporelles, le paysan désormais retraité qui veut vendre avant de divorcer n’a pas payé ses intérêts hypothécaires. Volontairement, selon la partie adverse, puisqu’il a touché annuellement 75 000 francs en paiements directs et 18 000 francs en fermage, payé par son fils Marc.
Conseil national
Pour Manfred Bühler, de retour au Conseil national sur le siège libéré par le nouveau conseiller fédéral Albert Rösti, ce conflit met en lumière une lacune légale qui prétérite l’avenir des jeunes en milieu rural. Voyant de plus en plus de divorces dans le monde paysan, l’élu UDC veut empêcher un conjoint propriétaire de n’en faire qu’à sa tête en contournant le droit foncier rural.
Dans une intervention parlementaire, Manfred Bühler visera à plafonner le prix de vente d’un domaine agricole «pour empêcher ce type de machination», dit-il à propos du conflit de Bourrignon. Provoquer une vente aux enchères en stoppant le paiement des charges hypothécaires, c’est un procédé combattu par le politicien de Cortébert (BE).
À 32 ans
«La loi foncière rurale a pour but d’éviter la spéculation foncière et permettre la poursuite d’une exploitation familiale en luttant contre des prix surfaits», dit-il en évoquant à l’adresse des autorités jurassiennes un «texte fondateur pour l’agriculture suisse».
Le désir de Marc Ritter, à 32 ans, c’est d’acheter le domaine «à un prix raisonnable» pour continuer à produire du lait et de la viande à La Ventolière. Le gain immédiat n’est pas sa motivation «Je veux du travail dans ce domaine qui est viable», relève ce jeune paysan, enseignant à l’école cantonale d’agriculture de Courtemelon.