Original«Kaleidoscope»: 40’320 façons de regarder la série
La série Netflix propose une innovation de taille: des épisodes pouvant être visionnés dans l’ordre que l’on veut. Pour ainsi offrir des saveurs différentes, selon ses choix.

Dans la série «Kaleidoscope», des braqueurs expérimentés organisent un casse audacieux qui doit leur rapporter le butin du siècle: 7 milliards de dollars en bons de placement.
NetflixEt vous, quelle combinaison préférez-vous? Bleu en introduction, puis Vert, Jaune, Orange, Violet, Rose, Blanc et Rouge pour terminer? Ou plutôt Vert, Violet, Rouge, Orange, Jaune, Bleu, Rose et enfin Blanc?
Si vous ne voyez pas de quoi on parle, c’est que vous n’avez pas suivi le dernier buzz en date des plateformes de streaming. On évoque ici «Kaléidoscope», la nouvelle série événement concoctée par Netflix. Disponible depuis la semaine passée (deuxième série la plus populaire en Suisse au moment où nous écrivons ces lignes), elle propose l’originalité de pouvoir être suivie dans l’ordre que l’on veut, avec des épisodes qui ne sont ainsi plus numérotés mais identifiés par une couleur.

L’opération est menée par Leo Pap (Giancarlo Esposito) et vise à braquer un coffre réputé inviolable.
NetflixLe sujet? Des braqueurs expérimentés organisent un casse audacieux qui doit leur rapporter le butin du siècle: 7 milliards de dollars en bons de placement appartenant à un redoutable trio (dont l’un des piliers est un banquier suisse qui doit sa fortune aux nazis). L’opération est menée par Leo Pap (Giancarlo Esposito) et vise à braquer le coffre réputé inviolable de Roger Salas (Rufus Sewell), un ancien complice de braquage reconverti en chef d’une société de sécurité. Bien entendu, le sel de la série repose en grande partie sur le côté hétéroclite de l’équipe mise en place pour s’emparer du magot. A savoir ici une avocate traquée par le FBI, un ex-taulard reconverti en boucher, son ancienne petite amie experte en produits chimiques accompagnée de son nouveau boyfriend, perceur de coffre soupe-au-lait, ainsi qu’un expert en pilotage de toute sortes de véhicules… Le tout, à travers des épisodes couvrant un quart de siècle, depuis les 24 ans qui précédent le casse jusqu’aux six mois qui suivent.
Un gigantesque puzzle
Au spectateur de reconstruire le puzzle au fil des différents épisodes: Violet (24 ans avant le braquage), Vert (7 ans avant), Jaune (6 semaines avant), Orange (3 semaines avant), Bleu (5 jours avant), Blanc (le braquage), Rouge (le lendemain) et Rose (6 mois après). Et on a délibérément sorti le Noir de l’équation, qui n’est qu’une brève introduction pour présenter le concept. Autant dire que peu importe l’ordre choisi, le binge watching est chaudement recommandé, histoire de ne pas se perdre dans les sauts temporels et d’avoir la mémoire suffisamment fraîche pour réussir à placer les différentes éléments (assemblage de l’équipe, planification de l’opération, exécution, cavale, origine des conflits et trahisons) au bon endroit de la timeline.

«Kaleidoscope», une série dont les épisodes peuvent être visionnés dans l’ordre que l’on veut.
NetflixPour autant, la série se regarde-t-elle vraiment dans n’importe quel ordre? Netflix n’a qu’une recommandation à ce sujet: visionner l’épisode Blanc en dernier, celui qui se focalise sur le casse en question. Si l’on accepte de jouer le jeu, cela laisse 5040 combinaisons possibles. De quoi déjà donner à la série une palette de saveurs très nuancées selon la façon dont vous slalomerez entre les différents volets de l’histoire. Mieux: si l’on choisit de faire fi de la règle établie par la plateforme, et d’inclure le Blanc au tirage aléatoire, comme le préconisent certains internautes, on passe alors à 40'320 possibilités de visionnage!
A la recherche de la combinaison idéale
La façon la plus simple de regarder la série est de laisser Netflix choisir l’ordre des épisodes à notre place. Le Blanc sera ainsi systématiquement proposé en dernier et le Vert est souvent choisi en guise d’introduction. Entre les deux? Le hasard! Le système a l’avantage d’éviter au téléspectateur de se casser la tête pour choisir avec quel épisode enchaîner, mais il a le désavantage de créer de potentiels problèmes, notamment de sélectionner le Rose trop tôt, extrêmement riche en révélations, ce qui ruinerait bon nombre de surprises.

Rosaline Elbay et Jai Courtney, dans «Kaléidoscope».
NetflixDepuis une semaine, les internautes s’évertuent donc à proposer leur combinaison idéale, la plus fluide, mais aussi la plus à même de préserver le suspense et les différentes révélations du script.
Outre ceux préférant simplement partir sur leurs couleurs préférées, on a vu passer un enchaînement censé être le plus pertinent pour les fans d’enquêtes (Rouge, Rose, Jaune, Vert, Orange, Violet, Bleu, Blanc). Il y a aussi ceux qui optent pour l’ordre chronologique (Violet, Vert, Jaune, Orange, Bleu, Blanc, Rouge, Rose), comme Stephen King, comme il vient de le recommander en début de semaine sur Twitter. Un choix assez logique dans la mesure où l’intrigue est automatiquement plus claire, mais qui propose en contrepartie un rythme beaucoup plus plan-plan. «Non, rétorquait d’ailleurs un certain Esoteric Candy au maître du suspense. C’est comme si vous nous demandiez de remettre dans l’ordre «Memento» (ndlr: le film de Christopher Nolan qui se déroule selon une chronologie inversée) ou encore «Pulp Fiction». On y perd plus qu’on y gagne».
Le choix du matin.ch
Et puisqu’on évoque Quentin Tarantino, Netflix s’est d’ailleurs également fendu d’une série de combinaisons d’inspirations diverses, dont justement une dans l’esprit du cinéaste connu pour privilégier des narrations temporelles éclatées: Bleu, Vert, Jaune, Orange, Violet, Rose, Blanc et Rouge. Mais selon nous, garder le Rouge pour la fin n’est pourtant guère judicieux dans la mesure où ce segment pose pas mal de questions auxquelles répondent directement Rose et Blanc.

C’est donc le coffre de Roger Salas (Rufus Sewell) qui va attiser toutes les convoitises…
NetflixDu coup, on s’est aussi prêté au jeu et on vous propose notre composition rêvée: débutez par le Jaune (les différents membres de l’équipe y sont présentés de manière idéale au moment où Leo Pap fait son recrutement) puis alternez entre passé et présent avec Violet, Orange, Vert, Bleu, et terminez avec les trois épisodes les plus intenses, Rouge, Rose et effectivement Blanc en conclusion pour le laisser combler les derniers trous.
«Et toi, t’as choisi quel ordre?»
Au final, le côté ludique de l’expérience est déjà nettement plus convaincant que ce fameux épisode de «Black Mirror», où le spectateur pouvait orienter la trame du récit selon différents choix proposés en cours d’épisode. «Kaleidoscope» est un pur produit Netflix: efficace, solidement interprété mais qui souffre de nombreuses facilités d’écriture, entre coïncidences grosses comme des montagnes et autres incohérences, que les scénaristes essaient tant bien que mal de cacher sous le tapis du gimmick principal. Et puis quel que soit l’ordre choisi, les différents épisodes se retrouvent forcément un peu imbriqués entre eux comme au chausse-pied, empêchant une réelle montée en puissance narrative. Mais ne boudons pas notre plaisir: c’est suffisamment bien construit pour nous tenir en haleine un long dimanche pluvieux et nous donner de quoi comparer nos choix en termes de chronologie narrative autour de la machine à café le lendemain avec les collègues.