FootballServette concrétise la libération du jeu
En l’emportant 2-0 à Lucerne, le club grenat a confirmé son renouveau. Sans abandonner leur rigueur défensive, ses joueurs n’aiment rien moins que se projeter vers l’avant pour un résultat épatant, pas loin d’être enivrant.


Avec ce Servette caméléon, séduisant autant qu’il peut parfois agacer eu égard au potentiel qu’on lui prête, on en était resté au magistral récital offert voici huit jours contre Grasshopper (victoire 3-1 à la Praille) lors d’une nocturne enchanteresse. Il y avait distillé son élégante musique de nuit, décrochant au passage un prix d’excellence mérité en même temps qu’il obtenait là son match référence après lequel ses joueurs couraient depuis le coup d’envoi du championnat.
Mais qu’en faire pour qu’il y ait une suite à Lucerne, là même où sa dernière visite, le 8 mai passé, s’était soldée par une déroute? La réponse dominicale est tombée en deux temps: Servette a d’abord pensé à contenir cet ébouriffant et tonique Lucerne, s’ingéniant à imposer chez lui un pressing de très haute intensité. Cela a fonctionné grâce à une solidarité redoublée, certes avec un peu de chance parfois, mais cela a néanmoins permis à Jérémy Frick de signer un nouveau blanchissage.
Mais ses joueurs, se sacrifiant souvent pour contrer un tir, n’ont pas fait qu’afficher leur capacité à ne pas craquer; ils ont aussi joué chaque fois qu’ils l’ont pu, donc souvent. Moins virtuose pour ce qui est de ses solistes mais toujours généreux, Servette n’a peut-être pas livré une performance aussi aboutie que face un GC complaisant mais la manière avec laquelle il a su résister à son adversaire lucernois vient élargir le registre des possibles. Ce qui est sûr c’est que tout le monde ne gagnera pas à la Swissporarena. Que Servette y soit parvenu démontre le chemin du renouveau sur lequel les Genevois se sont engagés.
Les enseignements
Indubitablement, quelque chose a changé pour Servette depuis son rendez-vous de Coupe, à Colovray, contre Nyon. Ses joueurs ont-ils compris la nécessité de varier les plaisirs? Comme il n’y a pas qu’un seul Servette, il n’y a pas qu’une seule source de danger, qui peut réellement venir de partout. Excepté une conclusion peinant à suivre, les Grenat maîtrisent à la perfection l’art de la transition rapide, celle qui peut désarçonner. On les a vus se régaler sur des schémas de jeu qui avaient trop longtemps disparu depuis la reprise. Il en résulte une énergie nouvelle, l’expression d’une dynamique réenclenchée. Ce n’est pas Alain Geiger qui nous contredira. «On est en nets progrès, convenait-il. Depuis le match de Coupe, l’équipe s’est libérée, se tournant plus spontanément vers l’attaque.»
Le technicien valaisan de la Praille a souvent pu se plaindre, à juste titre, de l’étroitesse de son banc et du manque de solutions offensives. Ce n’est plus le cas avec les arrivées de Crivelli et Kutesa, dont la complicité s’est imposée dès leur entrée en jeu conjointe. C’est du moins ce que l’on en retiendra, les deux remplaçants ayant fait forte impression. Voici en tout cas Servette beaucoup mieux armé, ce qui va nécessairement impliquer des choix pour son coach, confronté à un problème de riche assimilable à un casse-tête qu’il appelait de ses vœux. Entre pas assez et trop, tout est affaire d’équilibre.
Ce championnat 2022-2023 promet encore bien des surprises et difficile d’imaginer quelle hiérarchie va émerger au fil des journées. Hormis Winterthour, dont la place de barragiste semble déjà promise, et peut-être Zurich, dont le cas commence à inquiéter, chaque équipe peut revendiquer un rôle en vue. Au lieu d’imaginer un mano a mano entre Young Boys et Bâle, tous deux battus ce week-end, les candidats potentiels sont nombreux dans une course au titre plus ouverte que jamais. C’est dire si Servette aurait tort de bouder les chances qui sont les siennes d’aller chercher un premier titre romand depuis 1999.
Le plus en vue
Ne serait-ce que par déduction logique, on aurait dû citer Timothé Cognat, pour l’ensemble de son match ponctué d’une délicieuse frappe permettant à Servette de faire la course en tête. L’élégant Antunes, n’ayant pas son pareil pour casser les lignes, aurait lui aussi été un candidat de choix. Tout comme cette fois le très solide Yoan Severin. On leur a pourtant préféré Enzo Crivelli, très actif dès son entrée (70e). Et récompensé par un but plus que symbolique, venu combler un vide 20 mois pour un attaquant dont l’ultime réussite - le 13 décembre 2020 - commençait à dater.

Enzo Crivelli, une entrée, un but. L’attaquant français a frappé fort pour ses premières minutes sous le maillot servettien.
BASTIEN GALLAY/LPSLe moins bon
Dans les rangs lucernois, le Slovaque Jakub Kadak a beaucoup tenté mais raté tout ce qu’il a entrepris, à commencer par le but vide qu’il avait grand ouvert devant lui (41e). Un raté lourd de conséquence.
Les anecdotes
Urs Schnyder n’est nullement dépaysé chaque fois qu’il arbitre à la Swissporarena. C’est comme s’il y sifflait chez lui, dans son jardin. Contre Servette, l’arbitre a même eu droit à une banderole déployée dans les gradins par des membres du FC Escholzmatt-Marbach, club lucernois de l’Entlebuch sous la bannière duquel il est affilié. C’est ainsi: ce qui ne pose aucun problème au hockey sur glace (où il est fréquent qu’un directeur de jeu siffle l’équipe nationale de son pays par exemple) demeure mal perçu sur les rectangles verts.

À Lucerne, Urs Schnyder possède son fan’s club.
NJROn s’empressera de préciser que M. Schnyder a été parfait d’un bout à l’autre comme c’est souvent le cas.
Autre scène cocasse: celle qui, avant le coup d’envoi de la seconde période, a vu le couturier Marius Müller raccommoder ses propres filets avec la complicité d’un juge de touche.
La statistique
En 180 minutes contre les Romands, Lucerne vient de collectionner quatre cartons rouges. Après avoir payé très cher sa victoire contre Sion avec les expulsions de Dräger, Frydek et Schürpf, tous suspendus ce dimanche, c’est Denis Simani qui a été «prématurément» renvoyé au vestiaire avec l’aide de la VAR pour avoir ceinturé Kutesa qui s’en allait seul au but alors qu’il ne restait qu’une poignée de secondes à jouer. Cela fait quand même beaucoup.
La décla’
«Il faut savoir garder les opportunités d’être plus malin que l’adversaire»
L’avenir en une question
À l’occasion de la venue du FC Zurich dimanche à 14 h 15 à la Praille, le public genevois se déplacera-t-il enfin massivement pour y voir à l’œuvre un Servette qui mériterait mieux que les affluences misérables enregistrées jusque-là?