Fourgon attaqué sur l’A1L’épouse du convoyeur braqué: «Son entreprise l’a abandonné»
Le deuxième jour du procès du braquage de Chavornay (VD) a été dédié aux témoins des parties. L’épouse du convoyeur et mère de leur fille kidnappée a livré un témoignage poignant.


Renens (VD), ce mardi 5 juillet – Le convoyeur pris en otage par son ancien collègue Y., qui était de mèche avec le gang des Lyonnais, et son épouse à la sortie des débats.
lematin.ch/Evelyne EmeriPremière phrase entendue ce mardi dans la salle des pas perdus peu avant l’ouverture des débats: «Je leur avais dit de ne pas faire de bêtises». Au deuxième jour du procès criminel renvoyant C., 32 ans, et V., 31 ans, principalement pour brigandage qualifié, ce sont les témoins qui étaient attendus à la barre à Renens (VD). Le hasard fera que ceux de la défense et de la partie plaignante se retrouveront assis les uns à côté des autres. Mais ce qui vient de se dire hors procès restera hors procès. Et ne sera malheureusement pas répété par cet interlocuteur en audience. Un braquage fou, une instruction pénible, des réponses incohérentes. Et deux prévenus sur le banc des accusés qui, après avoir été comme des frères, n’échangent pas même un regard.
Maillons très faibles
Les deux Genevois contestent leur implication. Tout au plus, ils ont trempé à l’insu de leur plein gré dans cette attaque à main armée dont le butin faramineux de 25 millions s’est volatilisé avec un cerveau en cavale. Si l’on résume, les deux auteurs présumés seraient des maillons faibles, en l’occurrence très faibles, et auraient été dépassés par les événements. Les quatre témoins convoqués par la défense – pour V., un ami d’enfance et sa sœur; pour C., un ami de la famille et la mère de ses deux enfants – ont dépeint deux hommes bien: «Serviables, agréables, gentils, qui ne disent jamais non, généreux, au grand cœur, mais naïfs». Du casse du 8 février 2018, ils jurent ne rien savoir ou en avoir su. Tous sont interloqués de les savoir dans «cette situation injuste et délicate».
«Ça l’a traumatisé»
Difficile à entendre et à croire pour la partie plaignante: le convoyeur de SOS Surveillance braqué par un commando lyonnais avec la complicité de son ex-collègue Y. au volant du fourgon ce fameux jeudi noir. C’est précisément son épouse qui a conclu la ronde des témoins. Passablement stressée, elle redoutait ce moment. Le président du Tribunal criminel de la Broye et du Nord vaudois la met en confiance: «Mon mari est très anxieux, angoissé pour l’avenir, soucieux pour sa fille (ndlr. enlevée et séquestrée comme monnaie d’échange à Lyon), une victime accusée à 22 ans (ndlr. gardée à vue), ça l’a traumatisé au point de ne plus pouvoir dormir, espérant que les personnes soient attrapées (ndlr. arrestations plus d’un an après l’attaque) et jugées».
«Notre fille a développé des phobies»
«Notre fille ne voulait plus retourner sur Lyon. Elle a développé des phobies. Les visages cachés lui font peur, les camionnettes blanches aussi. Elle sort toujours accompagnée. Elle s’est coupé du monde comme mon mari. On a mis notre vie en suspens. J’ai essayé d’aider mon mari, il ne montre pas sa faiblesse. Il s’est retrouvé presque trois ans sans travail, à cogiter, à s’inquiéter. C’est difficile», poursuit la mère de leurs trois filles. «Depuis quatre ans, je tiens la famille, j’ai supporté.» La témoin fond en larmes et peine à reprendre: «J’ai eu besoin d’un suivi psychologique pour comprendre ce poids. Mon mari, lui, dit qu’il n’en a pas besoin, que c’est notre fille qui devait être soignée».
«C’est un accident de travail»
Et puis il y a cette rancœur et cette colère à l’égard de l’entreprise de transport de fonds SOS Surveillance qui l’employait. «Pour moi c’est un accident de travail. Ils n’ont même pas demandé à le rencontrer (ndlr. il a été licencié pendant son arrêt maladie). Ils n’ont rien fait pour le soutenir. Ils l’ont complètement abandonné. Il était apprécié de tous et voilà, c’était fini», ajoute la mère de famille. «Et son ressenti lorsqu’il a été braqué par trois hommes armés de mitraillettes?» questionne la procureure Claudia Correia. «Il a l’habitude des armes. Il ne pensait pas du tout à lui, seulement à sa fille, si elle était en sécurité. Ma fille, enlevée, séquestrée et mise dans une poubelle.»
Le procès en France
Si la procédure suisse a été longue, les époux espèrent en voir la fin et que les personnes impliquées soient condamnées. Domiciliés en Haute-Savoie (F), ils n’en ont pas terminé avec les Palais de justice. Cet automne, au plus tard cet hiver, cinq individus devraient être jugés aux Assises à Lyon dont Y. qui conduisait le convoi à Chavornay. Depuis peu, il aurait recouvré la liberté jusqu’à son procès. Ce qui sidère les deux parents. «Notre fille y sera cette fois-ci.» Encore une épreuve pour cette jeune femme relâchée au bord d’une route et recueillie par un couple bienveillant. Ses ravisseurs l’avaient partiellement dévêtue – c’était en hiver – et désinfectée avec des lingettes imbibées d’eau de javel pour effacer leurs traces.
Demain mercredi, la journée sera dévolue au réquisitoire du ministère public ainsi qu’aux plaidoiries de la défense et des parties civiles. Le verdict est attendu le vendredi 15 juillet dans l’après-midi.