FootballZurich, un leader bien construit
En tête de la Super League après 16 journées, le FC Zurich s’appuie sur un effectif équilibré et expérimenté ainsi qu’une identité de jeu claire.


Les joueurs du FC Zurich à la fête devant leurs supporters après le derby remporté contre Grasshopper, le 21 août (2-1).
Freshfocus13 ans que le FC Zurich ne s’était pas trouvé à pareille fête. Pour la première fois depuis la saison 2008-09, le club des bords de la Limmat trône en tête de la Super League après 16 journées. À l’époque, la formation entraînée par Bernard Challandes s’acheminait vers le 12e titre de champion du FCZ, le dernier à ce jour. Le cru 2021 connaîtra-t-il le même bonheur? En tout cas, il en suit les traces.
Zurich était certes attendu dans les hauteurs du championnat, mais pas au point de disputer le gros lot à Young Boys et Bâle. De là à crier à l’exploit? Pas vraiment. Ces résultats sont la conséquence d'un projet de club stable et cohérent, dont l’équipe tire aujourd’hui profit. Passage en revue des forces zurichoises avant le déplacement à Lausanne ce samedi (18h).
Un effectif équilibré
Le FCZ a traversé la dernière décennie en s’appuyant sur sa formation et le développement des jeunes. Il n’a pas soudainement renoncé à cette approche mais depuis deux ans, l’équilibre de l’équipe repose davantage sur des joueurs d’expérience. «Zurich a opéré un changement de cycle et cela explique en partie les résultats actuels. Je ne vois plus seulement un objectif économique, mais aussi sportif», observe Pablo Iglesias, consultant attentif de la Super League.
Cet été, Nikola Boranijasevic (29 ans), Akaki Gogia (29 ans), Moritz Leitner (29 ans) et Adriàn Guerrero (23 ans), notamment, sont venus renforcer un groupe délesté de Benjamin Kololli, Toni Domgjoni, Nathan ou encore Tobias Schättin, mais qui a conservé son ossature et jouit donc d’un vécu commun. Déjà là la saison passée, le gardien Yanick Brecher (28 ans), les défenseurs Becir Omeragic (19 ans), Mirlind Kryeziu (24 ans) et Fidan Aliti (28 ans), les milieux Ousmane Doumbia (29 ans) et Antonio Marchesano (30 ans) ainsi que l’attaquant Assan Ceesay (27 ans) forment la colonne vertébrale, à laquelle se sont ajoutés Boranijasevic et Guerrero. Celle-ci pèse, en moyenne, 80 matches de Super League par joueur. «Cette expérience, c’est ce qui leur permet d’avoir de la régularité dans les résultats», en déduit Pablo Iglesias.
Autour, la rotation est composée d’options fiables, mélange de «vétérans» (Marc Hornschuh, Moritz Leitner, Akaki Gogia, Blerim Dzemaili) et de jeunes (Fabian Rohner, Bledian Krasniqi, Ante Coric, Aiyegun Tosin, Blaz Kramer, Rodrigo Pollero, Wilfried Gnonto). «Chacun connaît son rôle et les remplaçants amènent systématiquement quelque chose. Notre effectif se complète bien», confirme le Genevois Omeragic.
«Chacun connaît son rôle et les remplaçants amènent systématiquement quelque chose. Notre effectif se complète bien»
Une identité de jeu forte
Successeur de Massimo Rizzo sur le banc, l’Allemand André Breitenreiter avait annoncé le cadre lors de sa présentation: «Je suis pour un football attractif, offensif, qui est aussi ajustable». Nul besoin de temps d’adaptation, ses principes ont été adoptés immédiatement. L’identité de ce FC Zurich est limpide: articulée dans un 3-5-2 (3-4-1-2 ou 3-1-4-2 selon que le milieu soit à pointe haute ou basse), l’équipe rejette à quelques exceptions près la possession (43,6%, la plus faible moyenne de Super League) et procède sur des contres éclairs où les joueurs se projettent en nombre. «C’est une formation audacieuse et conquérante», résume Pablo Iglesias. «Il faut être attentif à la perte de balle parce que derrière, ça part très vite», témoigne Mickaël Facchinetti, le latéral gauche du FC Lugano.

Intronisé sur le banc zurichois cet été, André Breitenreiter a très vite imposé sa patte sur son nouveau groupe.
Andy Mueller/freshfocusAvec 37 buts, les Zurichois possèdent la meilleure attaque du championnat. La plus efficace, aussi, puisque selon le modèle des Expected goals, ils auraient dû en inscrire un peu moins de 30 (29,86). Aucune autre formation ne présente un tel écart. «Après nos deux défaites face à eux (ndlr: 0-2 lors de la 1re journée puis 0-1 lors de la 10e), un sentiment de frustration dominait, raconte Mickaël Facchinetti. À chaque fois, il leur a fallu peu d’occasions pour marquer.»
«Il faut être attentif à la perte de balle parce que derrière, ça part très vite»
Deux raisons expliquent ce surrégime offensif. La justesse des choix, d’abord, conséquence de l’expérience du groupe. «Ils sentent les coups et cela, tu l’acquières avec le temps. Quand ils attaquent, ils y vont à fond», note Stéphane Grichting, ancien défenseur international de Sion et Grasshopper. D’autre part, le FCZ est porté par la réussite insolente de son duo Marchesano-Cessay (17 buts et 10 passes décisives à eux deux). Surtout le second nommé, auteur de sa meilleure saison en carrière (10 buts, 6 passes décisives). «Avant, il était très maladroit dans le dernier geste, compare Pablo Iglesias. Ce qui a changé, ce sont les joueurs autour de lui et les conditions dans lesquelles ils le placent. Quand tu reçois un ballon de Marchesano, Dzemaili, Boranijasevic ou Guerrero, tu as 9 chances sur 10 qu’il soit bon.»
Marchesano et Ceesay constituent les exemples les plus frappants de ces individualités sublimées par le cadre collectif. Comme Guerrero, Boranijasevic ou Doumbia. «On en revient à la complémentarité des profils, indique Iglesias. Les qualités des uns et des autres se marient entre elles et cela permet à tout le monde de devenir meilleur.»
Une couverture défensive à peaufiner
Talent, expérience, vécu commun, concurrence saine, tactique assimilée, individualités dominantes, réussite offensive… Zurich a beaucoup d’un champion en puissance. Toutefois, un aspect pose problème: la vulnérabilité de son arrière-garde. La troupe d’André Breitenreiter n’affiche que la cinquième défense de Super League, loin du «mur» bâlois (24 buts concédés contre 14). «On a toujours l’impression qu’il va se passer quelque chose avec cette équipe, en bien ou en mal, rigole Stéphane Grichting. C’est un peu tout ou rien. Arriveront-ils systématiquement à inscrire cinq buts lorsqu’ils en encaisseront trois?»
«On a toujours l’impression qu’il va se passer quelque chose avec cette équipe, en bien ou en mal. C’est un peu tout ou rien»
Si les préceptes du nouvel entraîneur ont été rapidement appliqués, le plan de jeu n’est pas encore abouti. «L’idée, c’est de défendre en avançant, expose Becir Omeragic. Or, pour l'instant, des décalages se créent trop souvent entre nos lignes. Nous devons y travailler.» La problématique est plus collective qu’individuelle, même si les défenseurs ne sont pas exempts de tout reproche.
Les dernières sorties ont montré des signes encourageants (aucun but encaissé depuis trois rencontres) mais l’équilibre reste fragile. Si les Zurichois entendent jouer le poil à gratter pour le titre jusqu’au bout, il faudra confirmer cette éclaircie.
Quoi qu’il en soit, leur présence en tête apporte du suspense à une Super League en manque de concurrents à YB et Bâle (Saint-Gall en est le rare exemple récent). «Ça montre que le niveau global s’élève, c’est bon pour l’image de notre championnat», se réjouit Mickaël Facchinetti. Cela ne vaut pas un titre, mais c’est déjà un premier accomplissement.