Suisse-UE – Le parlement accepte de débloquer le deuxième milliard de cohésion

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Suisse-UELe parlement accepte de débloquer le deuxième milliard de cohésion

Comme le Conseil des États dans la matinée, le National a accepté à une large majorité de libérer la deuxième contribution de la Suisse à l’Union européenne. Seule l’UDC s’y est opposée.

Christine Talos
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Christine Talos

Le nouveau milliard de cohésion va finalement pouvoir être versé à l’Union européenne. Comme le Conseil des États dans la matinée, le National a accepté jeudi soir, par 131 voix contre 55, de supprimer les conditions qui bloquaient sa libération. Tous les partis ont dit oui, à l’exception de l’UDC. Toutes les propositions pour faire capoter le projet ont été refusées par le plénum. Les deux Chambres étant d’accord sur tout, la décision est donc avalisée.

Pour rappel, le Conseil fédéral voulait débloquer ce milliard de cohésion fin 2017 déjà dans l’espoir alors de conclure un accord-cadre avec l’UE. Le parlement avait accepté ce versement fin 2019, à condition toutefois que Bruxelles s’abstienne de mesures discriminatoires à l’encontre de la Suisse. Comme l’UE avait refusé en même temps l’équivalence boursière à la Suisse, le milliard n’avait jamais été versé. Mais, depuis la rupture unilatérale des négociations sur l’accord-cadre, l’UE est fâchée. Pour l’apaiser, le Conseil voulait débloquer cette somme et demandait au parlement de lever les conditions de son octroi.

«Il faut un signal d’apaisement»

«Il faut un signal d’apaisement entre la Suisse et l’UE, et il est judicieux de faire un geste constructif envers Bruxelles», a expliqué Eric Nussbaumer (PL/BL) au nom de la commission. «Il vaut mieux éliminer cette clause afin de pouvoir lancer un nouveau chapitre dans nos relations avec l’UE», a-t-il ajouté.

Auteur d’une minorité, le conseiller national Roger Köppel (UDC/ZH) s’est lancé dans une violente diatribe pour que le National n’entre pas en matière. «L’UE veut que la Suisse se soumette et elle fait pression pour obtenir gain de cause», a-t-il lancé. «Elle met la pression via Erasmus, Horizon Europe ou le refus de l’équivalence boursière», a-t-il souligné. «On va donc payer ceux qui nous font chanter. Mais quand on paie le maître chanteur, il continue son jeu», a-t-il tonné. «C’est à cause de cette forme de racket que ce même parlement a refusé le milliard de cohésion fin 2019», a-t-il encore rappelé. En vain. Sa proposition a été balayée par 133 voix contre 54.

Son collègue de parti, Yves Nidegger (UDC/GE) a déposé lui aussi une minorité, mais pour verser plutôt l’argent à l’AVS. «Si la Suisse verse cette contribution, il n’y aura aucune joie dans le ciel étoilé de Bruxelles, car ce paiement est perçu à tort comme un dû. Car il s’agit ici de payer un tribut comme jadis les nations soumises le faisaient face aux nations dominantes, a-t-il lancé. Cela n’améliorera pas nos relations avec l’UE et ça n’élèvera pas le respect accordé à notre pays.» Sa proposition a elle aussi été balayée par tous les autres partis. Une autre minorité UDC qui exigeait un référendum facultatif a connu le même sort.

Un petit effort pour normaliser les relations

Tous les autres partis ont plébiscité le déblocage de la contribution. «C’est un petit effort qui permettra la normalisation de nos rapports avec l’UE», a estimé Fabien Molina (PS/ZH). «On aurait dû payer cette contribution depuis longtemps et elle est bien trop modeste», a-t-il ajouté. «La situation se détériore dans de nombreux secteurs. Les Verts souhaitent limiter au maximum les dégâts», a expliqué de son côté Nicolas Walder (Verts/GE), rappelant que la Suisse paierait largement moins que les pays de l’EEE comme la Norvège. Il a aussi critiqué la rupture des négociations du Conseil fédéral sans l’aval du parlement.

Un point soulevé également par les Vert’libéraux. «Nous sommes convaincus que c’était une erreur et que cette stratégie nuit de manière désastreuse à la Suisse», a ainsi estimé le Lucernois Roland Fischer. «La Suisse doit désormais redéfinir sa position avec l’UE et il faut la clarifier aussi vite que possible», a-t-il estimé, rappelant que notre pays était celui qui profitait le plus du marché intérieur européen. «Il est juste que notre pays apporte sa contribution.»

Un avis partagé par Christa Markwalder (PLR/BE). «Il faut mettre un terme à cette spirale négative dans les relations entre la Suisse et l’UE, a-t-elle expliqué. La rupture des négociations a provoqué de nombreux pots cassés. Il faut maintenant trouver un modus vivendi. C’est dans l’intérêt de la Suisse, puisque l’UE est notre principal partenaire dans la plupart des domaines.» «Débloquer cette contribution devrait montrer à Bruxelles à quel point la Suisse tient à cette coopération avec l’UE», a abondé Elisabeth Schneider-Schneiter (Centre/BL).

Faire preuve de grandeur

De son côté, le conseiller fédéral Ignazio Cassis a affirmé que ce déblocage faisait partie de l’agenda du gouvernement dans sa politique européenne. «L’objectif n’a pas changé. Nous voulons des relations stables avec l’UE, basées sur la voie bilatérale», a indiqué le chef du Département des affaires étrangères. Et d’expliquer sa stratégie en trois points: d’abord stabiliser cette voie bilatérale via le milliard de cohésion, puis clarifier l’avenir que la Suisse veut avec l’UE et enfin mettre en œuvre les décisions telles qu’elles auront été réglées.

Le Tessinois a balayé aussi les critiques sur un chantage de l’UE. «Nulle part il n’est fait mention que ce milliard est la condition d’entrée au marché européen. Il n’y a aucune obligation juridique pour ce versement, mais nous estimons que nous devons le faire pour montrer notre intérêt pour l’Europe», a-t-il répondu plusieurs fois au feu nourri de questions des députés UDC. Selon Ignazio Cassis, il faut s’extraire de cette spirale contreproductive d’exigences. «On voit que cette escalade qui n’a servi à rien. Il faut maintenant être généreux et faire preuve d’un geste de grandeur en disant «Ça suffit» et en faisant le premier pas», a-t-il conclu.

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