Football - «Le foot moderne, c’est tout pour les stats»

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Football«Le foot moderne, c’est tout pour les stats»

L’attaquant Brighton Labeau est le buteur providentiel du moment au Stade Lausanne-Ouchy. Entretien avant la réception d’Aarau ce vendredi (20h30).

Jérémy Santallo
par
Jérémy Santallo
Brighton Labeau lors de son premier match avec le SLO contre Vaduz, le 8 août.

Brighton Labeau lors de son premier match avec le SLO contre Vaduz, le 8 août.

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En fond sonore, la voix de sa fille. À 25 ans, Brighton Labeau a déjà pas mal bourlingué avec sa famille. Formé à Monaco mais freiné dans son ascension sur le Rocher par une grave blessure à la hanche, ce Parisien d’origine martiniquaise n’a pas réussi à percer en Ligue 1, avec Amiens, à la fin de l’année 2017 avant d’être prêté deux fois (Créteil et Villefranche) en National, la 3e division française. S’en sont suivis une expérience en Roumanie (Rapid Bucarest), un transfert qui a capoté vers la Finlande après la visite médicale, et alors qu’il devait jouer le tour préliminaire de la Ligue des champions, avant une saison ponctuée de succès, l’an dernier, avec la Royale Union saint-gilloise (un titre et une montée en D1). Brighton Labeau avait fait d’une nouvelle signature en Belgique sa priorité, mais a finalement refait ses valises avec femme et enfants. Il les a posées au Stade Lausanne Ouchy et cela lui réussit plutôt bien, pour l’heure, avec 6 buts en 7 matches de Challenge League. De quoi faire de lui le meilleur buteur provisoire de l’antichambre de l’élite. Rencontre.

Brighton, vous avez déjà un sacré parcours. Pourquoi le SLO?

Bonne question (rires). Déjà, il faut dire que j’ai eu dû mal à digérer ma fin de contrat et le fait de devoir trouver une nouvelle destination pour cette saison. Avec mon club belge, on s’était mis d’accord pour une année de plus mais cela ne s’est pas fait. L’intérêt du SLO est lui arrivé tôt, dès la fin de mon championnat. J’ai dit au directeur sportif (ndlr: Hiraç Yagan), qui m’a contacté directement, que quitter la Belgique n’était pas ma première option. Mais les négociations, qui ont été longues, ont fini au point mort pendant l’été. Le SLO pouvait m’apporter une stabilité familiale et le coach me voulait, donc j’ai finalement pris la décision de tenter cette aventure en Suisse. Car il est vrai aussi que votre pays fait rêver beaucoup de monde.

Après un peu plus de deux mois à Lausanne, on peut parler d’une adaptation réussie pour vous, non?

Oui, je me suis vite fondu la masse. L’effectif est assez jeune, donc cela a facilité les choses. Je dois dire que le niveau de jeu m’a surpris. Je connaissais la Super, mais pas la Challenge League. Il y a de très bons joueurs et d’excellentes équipes. Cela m’a bluffé.

Vous jouez beaucoup (ndlr: 552 minutes) depuis le début de la saison. C’est ce qu’on vous avait promis?

J’ai loupé les deux premiers matches de championnat et suis arrivé pour le troisième à domicile (ndlr: Vaduz, le 8 août). La semaine suivante, en Coupe contre Rapperswil, je devais jouer 60 minutes mais le scénario a fait que je ne suis pas sorti, et dès lors, je n’ai plus quitté le onze de base. C’est aussi l’une des raisons de ma venue: on m’a fait comprendre que je venais pour être un élément moteur de l’attaque. Après, j’ai déjà entendu ce genre de promesses dans le passé. Elles ne sont d’ailleurs que peu souvent respectées. Mais aujourd’hui, je suis très satisfait, voire surpris d’avoir été autant titularisé.

Vous faites référence au passé. Racontez-nous…

Pour un footballeur, le facteur chance est très important. À 19 ans, au moment où j’étais à Monaco, je me suis fait une grave blessure à la hanche, sur laquelle les médecins ont mis du temps à statuer. J’ai réussi à revenir et signer mon contrat professionnel, sauf que l’année suivante, cela s’est compliqué. J’ai toujours travaillé avec le sourire, en me disant que mon jour viendrait. J’ai ensuite eu la chance de signer à Amiens, qui montait de Ligue 2 en Ligue 1. J’ai fait les deux premiers matches, et puis il y a eu des conflits internes. Je n’y étais pas directement lié, mais comme j’étais arrivé là-bas par le biais de certaines personnes qui, elles, étaient concernées, je me suis retrouvé en porte-à-faux et je n’ai pas pu saisir ma chance. J’ai ramé, enchaîné deux prêts, et ce alors que je ne voulais pas forcément y aller. Heureusement que ma famille était avec moi à l’étranger, ensuite.

«Le SLO a de l’ambition et de l’avenir. Peut-être même qu’un jour, il passera devant le Lausanne-Sport»

Brighton Labeau, buteur de Stade Lausanne-Ouchy

Vous avez déjà marqué autant de buts (6) qu’en Belgique la saison dernière: peut-on dire que vous revivez au SLO?

Disons que c’est dans la continuité de ma saison en Belgique, qui était extraordinaire sur le plan collectif. Je n’étais pas un titulaire indiscutable, même si ce n’est pas pour autant que je ne le méritais pas. Je rentrais à tous les matches, mais ils étaient souvent pliés. On défendait et jouait en contre quand j’étais sur le terrain, alors que nous étions plutôt une équipe dominatrice par le jeu. J’ai pu gratter quelques buts et finir champion de 2e division. Mais c’est vrai qu’avoir déjà marqué autant de buts avec le SLO que durant toute la saison passée, ça fait plaisir. J’espère ne pas m’arrêter là.

On doit vous poser la question: ce titre de meilleur buteur, vous y pensez?

Avant, ça ne m’importait pas. Après tout, cela reste un sport collectif. Mais ces dernières années, j’ai compris que le football moderne, c’est tout pour les stats. Peu importe si tu es mauvais sur le terrain, si tu marques deux fois, tout le monde ne retiendra que ça. Donc j’essaie de garder ce côté collectif tout en ayant aussi cette part d’égoïsme. Vu comment je suis parti, je n’ai pas le droit de dire que je ne vise pas le titre de meilleur buteur de Challenge League. Cela serait un petit peu trop modeste et pourrait être mal perçu.

Imaginons: vous claquez 15 buts et finissez champion avec le SLO. Vous partez en cas de propositions à l’étranger ou vous restez pour la Super League?

(Sourire) Déjà, je dois dire que la montée est clairement l’une des raisons de ma venue. En arrivant ici, j’avais compris que c’était le petit club, nouveau, sans trop de spectateurs, qui avait besoin de s’affirmer. Mais je ne pense pas que l’on voit trop grand en visant la montée. Moi, je suis venu pour ça. Après, pour revenir à votre question, ce sera une décision compliquée. Quand un club monte, et je l’ai connu en Belgique cet été, les choses changent. Mais oui, bien sûr que le projet de Super League avec le SLO me plairait. Ce club a de l’ambition et de l’avenir. Peut-être même qu’un jour, il passera devant le Lausanne-Sport. Il y a tout pour bien faire ici.

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