SkicrossComment battre l’imbattable Sandra Naeslund?
La Suédoise skie sur une autre planète depuis bientôt deux ans. Les Suissesses, dont Fanny Smith, travaillent fort pour refaire leur retard. À commencer par ce dimanche à Veysonnaz?


La Suédoise après son triomphe olympique.
AFP«Elle est meilleure que tout le monde partout. Au départ, en course… Et puis physiquement, c'est une machine de guerre... Tactiquement, elle est forte. Même si on ne peut pas vraiment le savoir ces temps, parce qu'elle est tellement loin devant…» Pour la Genevoise Sixtine Cousin, 5e des derniers Mondiaux de Bakuriani en Géorgie, l'équation Sandra Naeslund est difficile, voire impossible à résoudre. La Suédoise a gagné les 20 dernières courses de Coupe du monde (37 en tout, seule la compétition sprint d'Arosa en décembre 2021, après un contact avec Fanny Smith, lui a échappé dernièrement). Elle est aussi championne olympique et du monde en titre (trois médailles d’or planétaires figurent sur son CV, en y ajoutant celles de 2017 et 2021). Rien que ça.
C'est un jeu intéressant à lancer à l'apéro. Quelle individualité ou quelle équipe, dans le sport de haut niveau, aurait bien pu réussir une série aussi hallucinante? On peut évoquer le nageur Michael Phelps, invaincu pendant 10 ans sur 200 mètres papillon. Il y a Guillermo Vilas, 46 victoires de suite en tennis, mais uniquement sur terre battue. Edwin Moses, aussi, qui a enquillé 122 courses victorieuses sur 400 mètres haies en athlétisme. Jahangir Khan en squash (555 succès) et Watanabe Osamu en lutte libre (187) sont, eux, inégalables. Et que dire des 41 victoires de suite de Roger Federer sur le circuit de l'ATP il y a plus de 15 ans? Bref, dire que c’est rare est un gentil euphémisme.
Autant dire que tout autre résultat qu'une large victoire de la Scandinave dimanche sur la Piste de l'Ours de Veysonnaz serait un séisme à l'échelle de la Coupe du monde de skicross. Car depuis son compatriote Ingemar Stenmark – qui vient de voir son record du nombre de victoires sur le circuit du ski alpin être battu par Mikaela Shiffrin –, jamais personne n'avait gagné plus de 15 fois d'affilée avec deux lattes aux pieds, selon les statistiques de la Fédération internationale de ski. On aurait bien voulu lui demander comment, pourquoi et ce que ça faisait, mais Naeslund est connue pour être timide et contacter son entourage fait partie des 12 travaux d'Hercule, même que la boîte anglaise qui s’occupe de sa communication a essayé de nous faire payer un éventuel entretien.
«C'est une machine de guerre, athlétiquement, elle est au-dessus du lot, paraphrasait il y a quelques jours la Française Alizée Baron, doublée médaillée mondiale (le bronze en 2017 et 2019), dans les colonnes de L'Equipe. Elle a un rapport poids/puissance qui est hors-norme et sur les skis, ça se voit. Ça lui permet de partir loin devant sur les départs. Elle a une vitesse de pieds, aussi, qui est au-dessus du lot. Techniquement sur les skis, elle n'est pas imprenable, ça la rend juste un peu humaine… Mais sur les départs, elle est vraiment stratosphérique.»
«Sandra Naeslund est là depuis des années, elle a toujours été en forme, mais là elle est dans une confiance extrême et une marche a encore été franchie.»
Pourtant, la résistance s'organise et les Suisses cherchent. Parce que chez les hommes aussi, les frères Erik et David Mobaerg sont en train de s’installer parmi les cadors. «Actuellement, il y a beaucoup de questions qui se posent. Qu’est-ce que les Suédois ont changé? Sandra Naeslund est là depuis des années, elle a toujours été en forme, mais là elle est dans une confiance extrême et une marche a encore été franchie. Il n’y a pas que la technique là derrière, il y a aussi le matériel, le fart et d’autres choses, peut-être, dans leur préparation.»
Fanny Smith ne veut plus se battre uniquement pour des accessits et souhaite que l'encadrement de Swiss-Ski lui permette de rejouer pour la plus haute marche des podiums. «Il y a une remise en question de ma part, mais j’attends aussi des entraîneurs qu’ils fassent une analyse plus poussée que ce qu’ils m’ont apporté jusqu’à maintenant par rapport à ça. Je ne suis pas là pour finir deuxième. Sinon, ça ne m’intéresse pas. Je ne veux pas perdre mon temps», a asséné la Vaudoise.
Parmi ses coaches depuis quelques mois, justement, il y a notamment Jean-Frédéric Chapuis. Et le Franco-Suisse, champion olympique en 2014 à Sotchi sous les couleurs bleu, blanc et rouge, a forcément un avis avisé sur la question: «c'est clair que pour les autres filles, c'est difficile... Mais moi je suis persuadé, et je le dis toujours à mes skieuses, qu'aujourd'hui, c'est elle qui est devant, mais que nous on travaille pour la rattraper et peut-être que dans deux ans ce sera une autre et ainsi de suite.»
«Techniquement, elle a un petit temps d'avance, mais je suis sûr que nos filles peuvent la battre, a continué le Savoyard. Ce qui fait la différence, c'est qu'elle a appris à mieux amortir les sauts, notamment au départ, et à faire comme les garçons font et ce que les femmes ont moins de facilité à réaliser. Fanny Smith le faisait mieux à une époque et là, la Suédoise est encore au-dessus. C'est à la Vaudoise, et elle travaille beaucoup, de rattraper ce truc-là. Une fois qu'elle sera à côté ou juste derrière elle après le départ, il y aura plus de stratégie. Là, la Suédoise a tellement d'avance qu'on ne peut pas savoir ce qu'il se passerait…»