Présidentielle en ArgentineLe ministre de l’Économie et l’antisystème Milei devant
Le ministre de l’Économie Sergio Massa et l’économiste ultralibéral Javier Milei sont arrivés en tête dimanche du premier tour de la présidentielle, selon des résultats officiels partiels.

Le ministre de l’Économie Sergio Massa (à gauche) et le candidat «antisystème» Javier Milei (à droite) disputeront un second tour le 19 novembre.
AFPSergio Massa, 51 ans, candidat du bloc gouvernemental (centre gauche) a surmonté le handicap d’une économie en souffrance pour arriver en tête avec 35,9% des voix. Il devance Javier Milei, 53 ans (30,5%), qui confirme sa percée depuis son irruption sur la scène politique il y a deux ans, selon les chiffres de l’Autorité électorale, avec 76% des votes décomptés. Ils disputeront un second tour le 19 novembre, en vue d’une investiture le 10 décembre.
La candidate de l’alliance d’opposition (centre droit) Patricia Bullrich, une ex-ministre de la Sécurité et protégée de l’ancien président libéral Mauricio Macri (2015-2019), est distancée, avec 23,6% des voix. Les sondages, qui par le passé avaient sous-estimé l’ascension de Javier Milei, l’avaient ces dernières semaines placé en tête des intentions de vote, devançant Sergio Massa.
Les Argentins ont voté dans un climat d’incertitude et d’inquiétude, comme rarement depuis le retour de la démocratie il y a quarante ans, sur fond d’endettement chronique et d’inflation désormais parmi les plus élevés au monde.
Changement ou saut dans le vide?
Autour des bureaux de vote, les mots de «ras-le-bol», «anxiété», «pas de formule magique», revenaient chez les électeurs approchés par l’AFP, traduisant une atmosphère partagée entre désir de changement et peur d’un «saut dans le vide». «On a besoin d’un changement. Ce pays est un désastre, vraiment, entre la pauvreté, l’inflation, les gens ne vont pas bien», se désolait Gabriela Paperini, 57 ans, près d’un bureau de vote du quartier de Palermo.
«Nous sommes préparés à faire le meilleur gouvernement de l’histoire», a lancé au moment de voter Milei, un polémiste surgi en 2021 des plateaux TV. Il a suivi depuis un fil rouge «dégagiste» contre la «caste parasite», selon lui les péronistes (centre gauche) et libéraux qui alternent au pouvoir depuis vingt ans. «Qu’ils s’en aillent tous, qu’il n’en reste plus un!» a-t-il lancé cette semaine en clôture de campagne.
Sa colère, ses formules mordantes, son style électrique, ont parlé à un public souvent jeune et sans grande perspective. Mais ses propositions, comme «tronçonner» l’État et le service public, «dollariser» l’économie – pour laisser le billet vert remplacer le peso – ont aussi semé doute, voire inquiétude.
À son QG de campagne dimanche soir, une déception était manifeste, après l’espoir suscité par les sondages depuis deux mois. «Mais je suis sûr qu’on va retourner ça. Beaucoup de voix qui n’ont pas porté sur lui reviendront au second tour», déclarait Nahuel Pasquale, 27 ans, en référence à des électeurs de Bullrich.
Sergio Massa, un centriste d’ADN qui s’était déjà présenté à la présidentielle en 2015, contre ses alliés péronistes d’aujourd’hui, a pris soin en campagne de se distancier de l’exécutif – ni le président Alberto Fernandez ni l’ex-cheffe de l’État Cristina Kirchner, ne sont apparus.
Transmettre de la tranquillité
Il a tenté de convaincre que «le pire de la crise» est passé, grâce à un prochain boom exportateur, et la fin d’une sécheresse historique en 2022-2023 – la pire en cent ans – qui a privé l’Argentine, géant agro-exportateur, de 20 milliards de dollars de recettes.
Il a surtout ces derniers mois multiplié les largesses budgétaires: réduction du nombre d’imposables, subventions, exemptions de TVA, pour amortir le choc de l’inflation. «Irresponsabilité électoraliste», ont hurlé ses adversaires, alors que l’Argentine peine à rembourser au FMI un prêt de 44 milliards.
Mais pour l’heure, son QG dimanche soir, n’était qu’étreintes, chants dont le vieil hymne péroniste joué par une fanfare. «On savait qu’on allait créer la surprise. Les gens sont beaucoup plus intelligents qu’on le croit quand il s’agit de défendre la patrie», déclarait à l’AFP Angelo Laredo, un comptable venu avec son épouse. «Si ce n’est pas pour aujourd’hui, ce sera pour novembre. Massa sera président».
Pour autant lundi les Argentins auront les yeux rivés sur le peso, qui en deux ans s’est effondré de 99 à 365 pour un dollar au taux officiel – et près de 1000 pesos au taux parallèle de la rue. «Lundi, l’Argentine continue (…) il faut transmettre de la tranquillité», a voulu rassurer dimanche Sergio Massa.